ELECTION POLITIQUE CITOYEN

HISTOIRE D'UN JOUR - 21 JANVIER 2017

Une marche historique face à l’ascension d’un pouvoir clivant

l'éveil d'un mouvement mondial : la marche des femmes du 21 janvier 2017

Le 21 janvier 2017, au lendemain de l'investiture de Donald Trump comme 45e président des États-Unis, des millions de femmes et d’hommes descendaient dans les rues de Washington D.C. et de plus de 400 villes à travers le monde. Cet événement marqua le début d'une mobilisation massive pour la défense des droits des femmes, de l'égalité et de la justice sociale. Plus qu’une simple manifestation, la marche des femmes s’imposa comme une affirmation éclatante des valeurs d’équité et de dignité humaine dans un contexte politique controversé et polarisé.

Dès l'annonce de la victoire de Donald Trump en novembre 2016, une certaine inquiétude s'était propagée parmi les défenseurs des droits civiques et des libertés individuelles. Les propos misogynes, racistes et xénophobes qui avaient ponctué sa campagne électorale avaient suscité une profonde division au sein de la société américaine. Parmi les exemples les plus cités, figurait son affirmation lors d’une interview de 2005 où il se vantait de pouvoir "attraper les femmes par les parties intimes" (« grab them by the pussy »). De même, ses remarques controversées sur les immigrants mexicains, qu’il qualifiait de « criminels » et de « violeurs », ou encore son appel à interdire temporairement l’entrée des musulmans aux États-Unis, contribuèrent à alimenter le sentiment d’exclusion et de peur. Face à ce climat tendu, l'idée d'une marche unificatrice émergea rapidement. L'appel à manifester, initié par un groupe de femmes ordinaires, fut amplifié par les réseaux sociaux, attirant une adhésion massive et transnationale.

L’épicentre de la mobilisation fut Washington D.C., où une foule immense convergeait vers le Capitole, brandissant pancartes et slogans revendicatifs. Parmi les messages les plus frappants, on retrouvait « égalité pour toutes », « les droits des femmes sont des droits humains », ou encore « résistance ». Dès les premières heures de la matinée, des milliers de manifestants affluaient par les rues adjacentes, transformant la capitale en une mer de bonnets roses emblématiques, les « pussy hats », symbole de défiance face aux propos misogynes de Donald Trump. Les pancartes créatives et parfois humoristiques ajoutaient une touche d’esprit à l’ambiance de détermination.

Au fil de la journée, une succession de discours puissants galvanisa les foules rassemblées. Gloria Steinem réaffirma l’importance de l’unité entre les luttes sociales, en déclarant : « Nous sommes ici pour affirmer que la justice sociale et l'égalité transcendent toutes les frontières ». Angela Davis, dans un appel poignant, souligna : « Les droits des femmes ne peuvent être dissociés des luttes contre le racisme, l'islamophobie, l'homophobie et la xénophobie ». Ashley Judd, quant à elle, fit vibrer l’audience en récitant le poème « Nasty Woman » : « Je ne suis pas une femme naïve ou silencieuse, je suis une femme forte et opiniâtre », provoquant des acclamations enthousiastes.

Dans la foule, des participantes anonymes firent également entendre leurs voix. Une manifestante tenait une pancarte proclamant : « Je marche pour ma fille, pour qu’elle ait un avenir sans peur », tandis qu’une autre expliquait à un journaliste : « Ceci est une déclaration claire que nous ne resterons pas passives face à l’injustice ». Tout au long de la journée, la ferveur restait constante, chaque discours et interaction suscitant des acclamations et renforçant l’élan collectif. En fin d’après-midi, la marche culmina avec un défilé impressionnant à travers les artères principales de la ville, sous une atmosphère à la fois festive et déterminée.

Cette manifestation, loin de se limiter aux frontières américaines, s'étendit rapidement à travers les continents. De Londres à Nairobi, de Sydney à Paris, des millions de personnes rejoignirent le mouvement, illustrant la portée universelle des revendications portées ce jour-là. À Londres, les manifestants se rassemblèrent à Trafalgar Square, brandissant des pancartes proclamant « L’unité fait notre force ». À Paris, des foules marchèrent de la place de Trocadéro jusqu’à la Tour Eiffel en scandant « Liberté, égalité, sororité ». Au Kenya, à Nairobi, des femmes se réunirent pour dénoncer les inégalités liées au genre tout en rappelant les combats locaux contre les violences faites aux femmes. Ces marches mondiales ne furent pas seulement un élan de solidarité, mais aussi une réponse aux peurs globales face à la montée des populismes et des régressions en matière de droits fondamentaux. Chaque lieu ajoutait une couleur locale à la mobilisation, témoignant de la diversité et de l’universalité de ces aspirations collectives.

Les revendications étaient multiples, révélant l’intersectionnalité des luttes. Si la question des droits des femmes restait centrale, d'autres enjeux sociaux, tels que le racisme systémique, les discriminations envers les communautés LGBTQ+, les droits des immigrants ou encore les défis environnementaux, étaient également mis en avant. Cette diversité dans les thématiques traduisait une volonté de créer un front uni face aux oppressions multiples.

Dans l'immédiat, la marche des femmes de 2017 eut un impact profond sur le paysage politique et social. Elle inspira la création de nouvelles organisations et coalitions d’activistes, telles que Women’s March Global et Time’s Up, qui contribuèrent à structurer les efforts militants dans des domaines variés, allant de la lutte contre le harcèlement au travail à la promotion de lois pour l'égalité salariale. Ces plateformes devinrent des outils essentiels pour organiser des actions locales et internationales. Le mouvement accéléra également une dynamique d'engagement civique. Ainsi, lors des élections de mi-mandat en 2018, un nombre record de femmes — dont beaucoup avaient été directement inspirées par la marche — se présentèrent et remportèrent des sièges au Congrès, comme Alexandria Ocasio-Cortez et Ilhan Omar. Cette période vit également une mobilisation sans précédent des électeurs issus de communautés historiquement marginalisées, traduisant une volonté collective de changer les règles du jeu politique.

Cependant, le mouvement n’échappa pas aux controverses. Des tensions internes apparurent autour des questions de représentation et d’inclusivité, notamment en ce qui concerne les femmes racisées ou les minorités marginalisées. Par exemple, des critiques furent formulées quant à la prédominance de leaders issus de milieux blancs, perçue comme limitant la représentation des voix des femmes afro-américaines, latino-américaines ou issues d'autres communautés minoritaires. Ces tensions se manifestèrent lors de discussions sur la priorité des thématiques à aborder, certains groupes estimant que les problématiques spécifiques aux minorités n'étaient pas suffisamment mises en avant. Bien que ces débats aient parfois créé des divisions, ils soulignèrent aussi la nécessité d'un dialogue constant pour construire un mouvement vraiment inclusif, capable de refléter la diversité des expériences et des luttes.

Aujourd’hui, la marche des femmes de 2017 est souvent présentée comme un symbole d’unité et de résistance, mais son impact sur la trajectoire politique de Donald Trump reste discuté. Bien que l'événement ait mobilisé des millions de personnes à travers le monde et marqué les esprits, il ne parvint pas à enrayer les politiques mises en place durant son premier mandat. Trump poursuivit un agenda clivant, renforçant les restrictions migratoires avec des mesures comme le Muslim Ban et consolidant les réformes fiscales qui accentuèrent les inégalités économiques. Malgré sa défaite face à Joe Biden en 2020, il capitalisa sur le mécontentement d'une partie de l'électorat et renforça sa base politique grâce à une rhétorique populiste et un discours anti-establishment. Cette stratégie lui permit de revenir en force et d’être réélu en 2024, soulignant la résilience de son influence. Lors de sa campagne de 2024, Trump continua à susciter la controverse par des déclarations provocantes, affirmant notamment : « Les femmes américaines veulent des leaders forts, pas des bureaucrates faibles », ou encore « Personne n’a autant fait pour les femmes que moi, malgré les calomnies des médias ». Ces propos, bien qu’attaqués par ses opposants, renforcèrent son attrait auprès d’un électorat conservateur. La marche, bien qu’historique, mit en évidence les limites d’une mobilisation ponctuelle face à un mouvement politique systémique et durable.

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