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ANNIVERSAIRE

Alexandre Millerand : l'architecte des premières grandes réformes sociales de la république française

Aujourd’hui 10 février 2025 marque le 164ème anniversaire de la naissance d'Alexandre Millerand, né le 10 février 1861 à Paris. Homme d'État français, il fut une figure marquante de la politique de la Troisième République, assumant des rôles majeurs dans la vie politique, juridique et diplomatique de son époque. Retour sur une existence riche en engagements et en événements.

Alexandre Millerand est issu d'une famille modeste mais instruite. Son père, un employé des Chemins de fer, lui inculqua des valeurs de travail, de rigueur et de discipline, qui marquèrent profondément son parcours. Il poursuivit des études brillantes au lycée Louis-le-Grand, où il se distingua par ses aptitudes en lettres et en sciences humaines. Animé par une curiosité insatiable et une passion pour le droit, il intégra la Faculté de droit de Paris. Là, il excella et obtint son doctorat avec mention, s’intéressant particulièrement aux questions de justice sociale et aux inégalités systémiques. Dès ses jeunes années, il fut influencé par les idées républicaines et progressistes de son époque, notamment celles portées par des figures intellectuelles telles que Victor Hugo et Jules Ferry, qui renforcèrent sa conviction en une réforme sociale profonde.

En 1895, Alexandre Millerand épousa Jeanne Levillain, une femme cultivée et discrète qui partageait son goût pour les discussions intellectuelles et les valeurs républicaines. Leur union fut harmonieuse et donna naissance à plusieurs enfants, qu’ils élevèrent dans un cadre familial empreint de rigueur et de bienveillance. Malgré les lourdes exigences de sa carrière politique, Millerand s’efforça de consacrer du temps à sa famille, organisant des vacances en province et participant activement à l’éducation de ses enfants. Ce fragile équilibre entre vie privée et publique témoigne de sa discipline et de son attachement profond aux valeurs familiales.

Avocat de profession, Millerand se fit rapidement un nom au barreau de Paris grâce à son talent oratoire et à sa profonde maîtrise des questions juridiques complexes. Il s’illustra par des plaidoiries remarquées, notamment dans des affaires liées à la défense des ouvriers victimes d’injustices sociales et économiques. L’une de ses plus célèbres interventions fut sa défense des travailleurs des chemins de fer, confrontés à des conditions de travail insoutenables. Ses engagements juridiques allaient bien au-delà de la sphère professionnelle : il s’attachait à faire évoluer le cadre législatif pour garantir une meilleure équité sociale. Ces combats lui valurent une reconnaissance nationale et le conduisirent naturellement à s’investir dans la vie politique, où il se démarqua par sa vision réformatrice et son souci constant de concilier progrès économique et justice sociale.

En 1885, il fut élu député de la Seine sous l'étiquette républicaine. Ses débuts furent marqués par une prise de position ferme en faveur des droits des travailleurs, notamment à travers des discours passionnés à l'Assemblée nationale, où il dénonça les abus des grandes industries et les conditions de travail indignes imposées aux ouvriers. Il milita activement pour une réglementation stricte des heures de travail, la protection des femmes et des enfants dans les usines, ainsi que la mise en place de mécanismes pour réduire les inégalités sociales. Son engagement inlassable pour les réformes sociales le fit rapidement remarquer comme une figure montante de la gauche républicaine.

Sa carrière prit un tournant important lorsqu’il devint ministre du Commerce et de l’Industrie en 1899 dans le gouvernement de Pierre Waldeck-Rousseau. Alexandre Millerand s’illustra par des réformes ambitieuses et concrètes qui marquèrent durablement la politique sociale française. Il instaura la création de l’inspection du travail, un organisme destiné à surveiller le respect des lois dans les entreprises, notamment en matière de durée du travail et de conditions de sécurité. Cette innovation permit de réduire les abus envers les ouvriers et de poser les bases d’une régulation moderne du travail.

Parmi ses avancées sociales les plus notables figure la limitation de la journée de travail à onze heures, une mesure pionnière qui offrait aux ouvriers une meilleure qualité de vie et un temps de repos essentiel. Il soutint également la mise en place de retraites pour les ouvriers, préfigurant les systèmes modernes de sécurité sociale. Par ailleurs, il favorisa des lois visant à protéger les femmes et les enfants, réduisant leur durée de travail et interdisant certaines tâches dangereuses. Ces réformes ambitieuses firent de lui l’un des précurseurs des politiques sociales en France, à une époque où les droits des travailleurs étaient encore largement ignorés.

D'abord proche des milieux socialistes, Millerand évolua progressivement vers une position républicaine modérée. Cette évolution suscita des controverses, notamment lorsqu’il accepta de siéger dans un gouvernement où siégeaient également des figures militaires contestées. Le jour de son élection, le 23 septembre 1920, fut marqué par un climat politique tendu, conséquence des tensions post-Première Guerre mondiale et des divisions au sein de la classe politique française. Lors de son discours d’investiture, Alexandre Millerand déclara : « Je m’engage devant la nation à servir la République avec loyauté et énergie, en m’efforçant de répondre aux attentes de nos concitoyens et de restaurer une France forte et unie. » Il succéda à Paul Deschanel, dont la santé fragile avait contraint à une démission prématurée. Sa nomination fut perçue par certains comme un choix de stabilité, bien qu'elle ait divisé les partis de gauche et suscité des critiques parmi ses anciens alliés socialistes.

Durant son mandat présidentiel, qui dura jusqu’en 1924, Alexandre Millerand dut faire face à des défis considérables. Sur le plan international, il joua un rôle actif dans la consolidation du traité de Versailles, cherchant à renforcer l'application des clauses réparatrices et à apaiser les tensions entre la France et l'Allemagne. Il mit également un point d’honneur à maintenir une politique d’alliance avec le Royaume-Uni et l’Italie pour assurer la stabilité en Europe.

En matière intérieure, il s’efforça de préserver l’unité nationale dans un contexte marqué par des tensions sociales croissantes, notamment les grèves ouvrières et les revendications syndicales. Millerand fit appel à un dialogue constant entre les différents acteurs économiques et politiques pour tenter de trouver des compromis. Il promut des initiatives visant à moderniser les infrastructures publiques, tout en réaffirmant la priorité de l’ordre public face à des mouvements sociaux parfois violents. Ces efforts furent salués par certains comme des mesures pragmatiques, mais critiqués par d'autres pour leur manque de réforme profonde.

Cependant, son mandat fut critiqué par certains pour son autoritarisme, notamment en raison de sa tendance à gouverner par décrets dans des situations où un consensus parlementaire aurait été attendu. Cette approche suscita des tensions avec les chambres législatives, en particulier lorsqu’il imposa des restrictions strictes sur les grèves ouvrières et autorisa l’intervention des forces de l’ordre pour disperser des manifestations. De plus, il fut accusé d’avoir consolidé un pouvoir exécutif fort au détriment du législatif, ce qui alarma une partie de la classe politique. Considéré comme trop conservateur par ses anciens alliés de gauche, il démissionna en 1924 sous la pression des partis de gauche et se retira de la vie politique active.

Après son retrait de la présidence, Alexandre Millerand se consacra à l'écriture et publia plusieurs ouvrages dans lesquels il référenciait ses réflexions sur la politique et la société. Il continua d’être une voix respectée dans les débats publics, bien qu’il ait décliné toute tentative de retour à la politique active.

Alexandre Millerand s’éteignit le 6 avril 1943 à Versailles, à l’âge de 82 ans. Son héritage politique demeure associé à son rôle pionnier dans la mise en place des premières grandes réformes sociales en France et à son engagement constant pour la République.

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