Le 30 janvier 2025, Julius Chan est décédé à l'âge de 84 ans. Figure emblématique de la politique papouasienne, il a marqué l'histoire de son pays en tant que Premier ministre à plusieurs reprises et a joué un rôle essentiel dans l'évolution politique et économique de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Né le 29 août 1939 à Tanga, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, Julius Chan était issu d'une famille d'origine chinoise qui avait immigré dans la région plusieurs générations auparavant. Son éducation fut marquée par une double influence culturelle, combinant les traditions chinoises et les réalités locales de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Après des études en administration et en affaires, il se lança dans le commerce, bâtissant une entreprise florissante dans le secteur des importations et des services. Son succès entrepreneurial lui permit de tisser un réseau d'influences et d'acquérir une solide réputation en tant que leader économique.
Dans les années 1960, il s'impliqua progressivement en politique, voyant dans l'indépendance imminente du pays une opportunité de contribuer activement à son développement. En 1968, il fut élu député et, dès le début des années 1970, il joua un rôle clé dans les négociations menant à l'indépendance de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, acquise en 1975. La même année, il fonda le Parti progressiste populaire, affirmant sa vision d'un pays moderne et économiquement viable, ancré dans une gestion efficace des ressources nationales.
Dès 1972, il a été nommé ministre des Finances dans le gouvernement de Michael Somare. Son expertise économique a été déterminante pour la mise en place des premières infrastructures du pays indépendant, notamment le développement du secteur bancaire, la création de structures administratives solides et la mise en œuvre de politiques fiscales permettant une meilleure gestion des ressources naturelles. Il a œuvré à la stabilisation monétaire et à l'attraction des investisseurs étrangers, contribuant ainsi à la croissance économique du pays.
En 1980, il est devenu Premier ministre pour la première fois, mettant en place des réformes visant à renforcer l'autonomie économique de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Il a encouragé le développement des industries locales, notamment l'agriculture et la pêche, en instaurant des programmes de soutien aux petits producteurs et en facilitant l'accès aux marchés internationaux. Il a également mis l'accent sur l'exploitation responsable des ressources naturelles, en favorisant des partenariats entre le gouvernement et les entreprises privées pour le développement minier et forestier.
Sous son mandat, le renforcement des infrastructures de transport et de communication a été une priorité, avec la construction de nouvelles routes et l'amélioration du réseau ferroviaire et portuaire pour faciliter les échanges commerciaux entre les différentes régions du pays. Il a aussi mis en place des réformes visant à améliorer l'éducation et l'accès aux services de santé, notamment par la création d'écoles et de centres de soins dans les zones rurales.
Cependant, malgré ces avancées, son gouvernement a chuté en 1982 en raison de tensions politiques internes, exacerbées par des conflits entre différentes factions politiques et une opposition grandissante au sein du Parlement.
Son second mandat, de 1994 à 1997, a été marqué par des efforts pour moderniser l'économie et pour résoudre le conflit sur l'île de Bougainville, qui constituait l'un des défis les plus graves de son administration. Il a cherché à mettre en œuvre des réformes économiques visant à diversifier l'économie du pays en réduisant sa dépendance aux industries extractives et en encourageant l'essor du secteur manufacturier et des infrastructures. Sous son gouvernement, des investissements ont été réalisés dans la modernisation des routes, des ports et des réseaux de télécommunications afin de favoriser le commerce intérieur et extérieur.
En parallèle, il a tenté de négocier avec les factions rebelles de Bougainville en proposant des accords de paix et des mesures de reconstruction pour les zones ravagées par le conflit. Des programmes de réhabilitation ont été mis en place pour soutenir les populations affectées, notamment par la création de centres de soins et d'écoles dans les zones les plus touchées. Toutefois, face à l'enlisement des négociations et aux attaques continues des insurgés, il a pris la décision controversée d'embaucher une société de mercenaires, Sandline International, afin de restaurer l'ordre et d'affaiblir la rébellion.
Cette initiative a provoqué une crise politique de grande ampleur, déclenchant une vive opposition de l'armée nationale, qui refusait l'intervention de forces étrangères. La pression populaire et les contestations parlementaires ont rapidement escaladé, menant à des manifestations et à une instabilité gouvernementale croissante. Face à cette contestation massive, Julius Chan a été contraint de démissionner en mars 1997. Cependant, après une brève période d'incertitude politique, il est revenu au pouvoir pour un troisième mandat en juin 1997. Ce retour fut de courte durée, car la pression politique et l'opposition persistante l'ont contraint à quitter définitivement son poste en juillet de la même année. Cette période a marqué un tournant décisif dans l'histoire politique de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, accentuant la nécessité d'une gouvernance plus stable et d'une approche plus diplomatique dans la gestion des conflits internes.
Après cette période difficile, Julius Chan a retrouvé une place importante dans la vie politique en devenant gouverneur de la province de Nouvelle-Irlande, poste qu'il a occupé pendant plusieurs années. Durant son mandat, il a mis en œuvre une série de réformes visant à renforcer le développement local et à améliorer les conditions de vie des habitants. Il a encouragé l'investissement dans l'éducation en ouvrant de nouvelles écoles et en finançant des bourses pour les étudiants souhaitant poursuivre leurs études supérieures.
Dans le domaine des infrastructures, il a supervisé la construction et la modernisation de routes, de ponts et de réseaux d'approvisionnement en eau potable, facilitant ainsi l'accès aux services de base pour les populations rurales. Par ailleurs, il a joué un rôle actif dans le développement économique en promouvant des initiatives de diversification agricole et en soutenant les petites entreprises locales à travers des aides financières et des formations professionnelles.
Malgré son retrait progressif de la scène politique nationale, Julius Chan est resté un acteur influent, continuant de conseiller les dirigeants du pays et de plaider en faveur de politiques inclusives et durables. Il a laissé une empreinte durable dans sa province et au sein de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, incarnant une figure de leadership pragmatique et visionnaire.
En dehors de la politique, il était un fervent défenseur du dialogue intercommunautaire et a souvent appelé à une meilleure intégration des différentes ethnies et cultures du pays. Il a mis en place plusieurs initiatives visant à promouvoir l'unité nationale, notamment en soutenant des programmes éducatifs et culturels qui favorisaient la compréhension mutuelle entre les divers groupes ethniques. Il a aussi œuvré pour la reconnaissance et la préservation des langues et traditions locales, tout en encourageant un sentiment d'appartenance nationale.
En tant que médiateur, il a joué un rôle clé dans plusieurs conflits internes en facilitant des discussions entre factions opposées. Sa capacité à rassembler les communautés et à négocier des solutions pacifiques lui a valu le respect, même parmi ses détracteurs. Sa carrière a été ponctuée de succès et de controverses, mais il restera comme une figure incontournable de la Papouasie-Nouvelle-Guinée moderne, un leader qui a cherché à bâtir un pays plus inclusif et harmonieux malgré les défis persistants.
Son décès marque la disparition d'un des derniers grands leaders de la première génération de dirigeants post-indépendance. Son héritage demeure complexe, entre réalisations majeures et choix polémiques, mais son influence sur le pays reste indéniable.