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Sam Nujoma : un leader inoubliable, une nation reconnaissante

Le 8 février 2025, Sam Nujoma s'est éteint à l'âge de 95 ans. Figure emblématique de l'indépendance namibienne, il a joué un rôle crucial dans la lutte pour la liberté de son pays. Il est décédé à l'hôpital de Windhoek, où il avait été admis il y a trois semaines pour une maladie.

Né le 12 mai 1929 à Ongandjera, en Namibie, Sam Nujoma a grandi dans un contexte colonial marqué par l'oppression sud-africaine, où les populations noires étaient soumises à des lois discriminatoires et privées de droits fondamentaux. Son enfance a été marquée par la pauvreté et les inégalités systémiques, ce qui l'a poussé à chercher des solutions pour libérer son peuple.

Dès l'adolescence, il s'intéresse à la politique et aux mouvements panafricanistes, influencé par les idées de décolonisation qui se répandent à travers l'Afrique. Il commence sa carrière professionnelle en tant que berger avant de poursuivre des études primaires tardives.

Dans les années 1940, il part à Walvis Bay pour travailler comme aide-maçon, puis dans les chemins de fer sud-africains, où il prend conscience des injustices raciales systémiques. Il rejoint rapidement des groupes syndicaux et commence à s'impliquer dans des activités de contestation contre le régime de l'apartheid.

En 1957, il participe à la création de l'Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (OPSWAP), une organisation précurseur du SWAPO. Il mobilise activement les travailleurs et les jeunes pour revendiquer des droits égaux et l'autonomie politique de la Namibie.

En 1960, après avoir été arrêté et contraint à l'exil, il fonde officiellement l'Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (SWAPO), un mouvement dédié à la libération nationale et à l'autodétermination de la Namibie.

Sous sa direction, le SWAPO est devenu la principale force de résistance contre le régime de l'apartheid sud-africain qui administrait illégalement la Namibie. Il a organisé des campagnes de mobilisation en recrutant de nombreux jeunes militants, tout en développant une stratégie militaire efficace pour contrer les forces sud-africaines. Avec l'appui de pays voisins comme l'Angola et la Tanzanie, ainsi que le soutien de l'Union soviétique et de Cuba, il a renforcé la capacité du SWAPO à mener une lutte armée.

Nujoma a passé plusieurs années en exil, dirigeant le mouvement depuis l'étranger, tout en obtenant des alliances stratégiques avec les Nations unies et l'Organisation de l'Unité africaine pour plaider la cause namibienne sur la scène internationale. Ses efforts ont conduit à des sanctions contre le régime sud-africain et à une pression diplomatique croissante en faveur de l'autodétermination de la Namibie.

Après des décennies de lutte, la Namibie a obtenu son indépendance en 1990, mettant fin à plus d'un siècle de domination coloniale. Sam Nujoma est devenu le premier président du pays et a supervisé la transition vers un gouvernement démocratique, mettant en place des réformes visant à réduire les inégalités et à promouvoir le développement économique. Lors de son discours d'investiture, il a déclaré avec émotion : "Aujourd'hui, nous marquons la fin de l'oppression et l'aube d'une ère nouvelle où tous les Namibiens vivront en liberté et en dignité. Nous devons bâtir une nation unie, libre et prospère." Ces paroles ont symbolisé l'espoir et la détermination du peuple namibien à avancer ensemble vers un avenir meilleur.

Son mandat a été marqué par des efforts de reconstruction et de réconciliation nationale, ainsi que par des politiques visant à améliorer les conditions de vie des Namibiens. Il a lancé des réformes économiques axées sur la redistribution des terres, un enjeu majeur hérité de la période coloniale, en mettant en place des programmes de redistribution pour réduire les inégalités foncières.

Sur le plan social, il a investi massivement dans l'éducation et la santé, en construisant de nombreuses écoles et infrastructures médicales afin d'assurer un accès équitable aux services de base. Il a également promu la formation de cadres namibiens pour réduire la dépendance envers l'expertise étrangère.

En politique étrangère, il a renforcé les relations diplomatiques avec d'autres pays africains ainsi qu'avec des puissances mondiales, consolidant le rôle de la Namibie sur la scène internationale. Il a été un fervent défenseur de l'unité africaine et a participé activement aux sommets de l'Union africaine.

Réélu deux fois, il a dirigé le pays jusqu'en 2005 avant de laisser la présidence à Hifikepunye Pohamba. Même après son retrait du pouvoir, il est resté une figure influente de la politique namibienne, continuant à conseiller les dirigeants et à participer aux débats nationaux.

En plus de son rôle politique, Sam Nujoma était un fervent défenseur de l'éducation et du développement économique en Namibie. Il a publié ses mémoires, "Where Others Wavered", dans lesquels il revient sur son engagement pour l'indépendance et la construction de la nation. Dans cet ouvrage, il détaille les défis rencontrés lors de la lutte pour la libération, mettant en avant les sacrifices consentis et les stratégies adoptées. Il écrit : "La liberté n'est pas un cadeau que l'on reçoit, mais un combat que l'on mène avec détermination et persévérance." Ce livre est devenu une référence pour comprendre l'histoire namibienne et le rôle du SWAPO dans l'émancipation du pays.

Sa disparition laisse un vide immense en Namibie et sur le continent africain. De nombreux dirigeants africains et personnalités internationales ont rendu hommage à cet homme d'État qui a consacré sa vie à la liberté de son peuple. Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a déclaré : "Sam Nujoma était un véritable héros africain, dont le combat pour la liberté a inspiré des générations à travers notre continent." Le président angolais João Lourenço a salué "un combattant infatigable dont la vision a permis à la Namibie de devenir un exemple de stabilité en Afrique." De son côté, le président de l'Union africaine a souligné que "l'héritage de Nujoma continue de guider nos efforts pour un continent plus uni et indépendant."

Sam Nujoma restera dans l'histoire comme un héros national et un symbole de résilience et de détermination. Son héritage perdurera à travers les générations futures, inspirant ceux qui luttent pour la justice et la souveraineté de leur pays.

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