ELECTION POLITIQUE CITOYEN

HISTOIRE D'UN JOUR - 15 MARS -44

Le crépuscule d’un dictateur, l’aube d’un empire

Le 15 mars 44 av. J.-C., en plein cœur de Rome, dans la Curie de Pompée, un événement d’une portée historique considérable se produit : l’assassinat de Jules César à l'âge de 55 ans. Cet acte, mené par un groupe de sénateurs conspirateurs, marque un tournant décisif dans l’histoire de la République romaine, précipitant sa chute et ouvrant la voie à la naissance de l’Empire.

Depuis plusieurs années, César domine la politique romaine. Après sa victoire contre Pompée lors de la guerre civile, il s’est imposé comme le maître incontesté de Rome. Il accumule les pouvoirs, réorganise les institutions et adopte des réformes qui transforment profondément la République. Il réduit l’influence du Sénat en concentrant le pouvoir entre ses mains et en nommant directement les magistrats, ce qui renforce son emprise sur l’appareil d’État. Il réforme également le calendrier en introduisant le calendrier julien, redistribue des terres aux vétérans et étend la citoyenneté romaine à certaines provinces, ce qui lui assure un large soutien populaire.

Son titre de « dictateur à vie », octroyé en 44 av. J.-C., suscite cependant l’inquiétude et l’opposition d’une partie du Sénat. César a entrepris de vastes réformes qui ont profondément modifié la structure politique, économique et sociale de Rome. Il a centralisé l’administration de la République, réorganisé le système de gouvernance des provinces et imposé une discipline stricte dans la gestion des finances publiques.

Parmi ses réalisations notables, il a réformé le calendrier romain en introduisant le calendrier julien, encore en usage aujourd’hui sous une forme modernisée. Il a également promu une redistribution des terres, offrant aux vétérans des lopins de terre pour assurer leur fidélité et affaiblir les aristocrates terriens. Il a facilité l’intégration des habitants des provinces en leur accordant progressivement la citoyenneté romaine, ce qui lui a valu une immense popularité parmi les peuples conquis.

Sur le plan économique, il a mis en place des lois limitant les abus dans la perception des impôts par les publicains, rééquilibré le poids des dettes et encouragé le commerce en développant des infrastructures. Son ambition militaire ne s’est jamais tarie : après la conquête des Gaules, il planifiait une grande expédition contre les Parthes pour venger la défaite de Crassus à Carrhes en 53 av. J.-C., et possiblement soumettre d’autres territoires à l’est.

Toutefois, l’accumulation de ses pouvoirs, son mépris grandissant pour les traditions sénatoriales et les rumeurs selon lesquelles il pourrait être couronné roi ne font qu’accroître la défiance. Beaucoup au Sénat le perçoivent comme un tyran mettant fin à la République. C’est dans ce contexte de tensions croissantes qu’un groupe de sénateurs, menés par Brutus et Cassius, décide de passer à l’action, persuadé que seul son assassinat peut préserver la République.

Les Ides de mars sont choisies comme le moment propice pour éliminer César. Depuis plusieurs jours, des présages inquiétants se multiplient : on rapporte que des éclairs frappent la ville, des oiseaux de mauvais augure apparaissent et l'épouse de César, Calpurnia, aurait rêvé de sa mort, tentant en vain de le dissuader de se rendre au Sénat.

Ce matin-là, César hésite. Il est préoccupé par les avertissements de son entourage, mais Décius Brutus, l'un des conspirateurs, le convainc que les sénateurs l'attendent pour lui attribuer de nouveaux honneurs. Finalement, il quitte sa demeure et traverse les rues de Rome, escorté par ses partisans. À son arrivée à la Curie de Pompée, il est accueilli par les sénateurs, qui dissimulent des dagues sous leurs toges.

Lorsque César prend place, Tillius Cimber, un des conjurés, s'approche sous prétexte de plaider la cause de son frère en exil. Il agrippe alors la toge du dictateur, signal pour les assassins de passer à l'action. Servilius Casca est le premier à frapper, mais son coup est maladroit et ne fait qu'effleurer César. S'ensuit alors une attaque brutale : les sénateurs se ruent sur lui, poignards à la main, l'assaillant de toutes parts. César tente de se défendre, repoussant ses agresseurs, mais il est rapidement submergé.

Au milieu du tumulte, il aperçoit son protégé, Marcus Junius Brutus, parmi les assaillants. Saisi d'une stupeur mêlée d'effroi, il aurait alors murmuré ces mots restés célèbres : « Tu quoque, fili mi ? » (« Toi aussi, mon fils ? »). Abandonnant toute résistance, il s'effondre aux pieds de la statue de Pompée, comme si le destin voulait qu'il meure sous l'effigie de son ancien rival. Son corps sans vie est laissé à terre, baignant dans son sang, tandis que les sénateurs, tremblants et couverts de sang, quittent précipitamment les lieux, ignorant la fureur qui les attendrait bientôt dans les rues de Rome.

La mort de César ne ramène cependant pas la République à son équilibre d’antan. Bien au contraire, elle plonge Rome dans une nouvelle série de conflits. Les assassins espéraient restaurer l’autorité du Sénat et ramener la République à son fonctionnement traditionnel, mais leur acte ne fait qu’attiser les divisions et exacerber les tensions politiques.

Dès l’annonce du meurtre, Rome est en émoi. Le peuple, choqué par cet assassinat brutal, perçoit rapidement les sénateurs conspirateurs non comme des libérateurs, mais comme des traîtres ayant abattu un dirigeant qui leur garantissait des réformes et une certaine stabilité. Marc Antoine, fidèle lieutenant de César et consul en exercice, exploite immédiatement cette émotion populaire. Lors des funérailles de César, il prononce un discours enflammé et expose publiquement son testament, révélant que César a légué une partie de sa fortune aux citoyens romains. Ce geste alimente une immense ferveur populaire qui se transforme rapidement en émeutes contre les assassins, les forçant à fuir Rome.

Face à cette situation, Marc Antoine se retrouve en position de force, mais il doit compter avec un nouvel acteur : Octavien, le fils adoptif et héritier désigné de César. Ce jeune homme de 19 ans, jusque-là inconnu du grand public, parvient rapidement à rallier à lui les vétérans et les partisans de César grâce à son habileté politique et son habileté à se présenter comme le vengeur légitime de son père adoptif.

S’ensuivent alors des années de luttes acharnées entre les partisans de César et ceux qui veulent restaurer la République. Une première alliance temporaire entre Octavien, Marc Antoine et Lépide donne naissance au Second Triumvirat en 43 av. J.-C., qui lance des proscriptions sanglantes contre les opposants républicains, dont Cicéron. Les forces de Brutus et Cassius, réfugiées en Orient, sont finalement vaincues en 42 av. J.-C. lors de la bataille de Philippes.

Mais l’alliance entre Octavien et Marc Antoine ne tarde pas à se fissurer. Antoine, s’alliant à Cléopâtre, reine d’Égypte, se heurte aux ambitions grandissantes d’Octavien. En 31 av. J.-C., la guerre éclate entre les deux anciens alliés, culminant avec la bataille d’Actium où Octavien triomphe. L’année suivante, Marc Antoine et Cléopâtre se suicident, laissant Octavien seul maître de Rome.

En 27 av. J.-C., Octavien prend le titre d’Auguste et inaugure un nouveau régime, mettant officiellement fin à la République romaine et posant les bases de l’Empire qui dominera le monde méditerranéen pendant plusieurs siècles.

L’assassinat de Jules César demeure un épisode emblématique de l’histoire romaine. Il illustre les tensions entre pouvoir personnel et institutions républicaines, entre ambitions individuelles et idéaux collectifs. Cet événement ne marque pas seulement la fin d’un homme, mais bien celle d’un régime qui, depuis plusieurs siècles, avait façonné le monde méditerranéen.

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