Le 20 mars 1956, la Tunisie accède officiellement à l'indépendance, mettant fin à 75 années de protectorat français. Cet événement, fruit d'un long processus de luttes politiques et de négociations, ouvre la voie à la construction d'un État souverain sous la direction de Habib Bourguiba.
Dès la fin du XIXe siècle, la Tunisie passe sous protectorat français avec le traité du Bardo en 1881, qui soumet le pays à l'administration française tout en maintenant la figure du bey, dirigeant nominal du territoire. L'occupation française entraîne une réorganisation de l'économie au profit des colons et des grandes compagnies européennes, ce qui accroît les inégalités entre les populations locales et les colons. L'agriculture, pierre angulaire de l'économie tunisienne, est en grande partie accaparée par les colons, tandis que les populations autochtones souffrent d'une pression fiscale accrue et d'un accès restreint aux ressources foncières. Sur le plan social, la marginalisation des élites locales et l'imposition du mode de vie et des institutions françaises créent un mécontentement grandissant. Dans ce contexte, un sentiment nationaliste émerge progressivement, porté par des intellectuels et des réformateurs tunisiens qui revendiquent d'abord des réformes, puis une autonomie politique.
Le mouvement nationaliste tunisien prend son essor dans l'entre-deux-guerres, avec la création du Destour en 1920, un parti réformiste visant d'abord à obtenir une plus grande autonomie politique sous la tutelle française. Cependant, les revendications nationalistes se radicalisent face à l'immobilisme du pouvoir colonial, menant à la fondation du Néo-Destour en 1934, sous la direction de Habib Bourguiba. Ce nouveau mouvement adopte une stratégie plus offensive, alliant négociations diplomatiques et mobilisation populaire. Bourguiba et ses partisans multiplient les actions politiques, organisant des grèves, des manifestations et des campagnes de sensibilisation pour dénoncer la domination française. La Seconde Guerre mondiale constitue un tournant : les promesses d'émancipation faites par les puissances alliées ne se concrétisent pas, alimentant la frustration et la volonté d'indépendance. Les années 1940 et 1950 voient alors une intensification de la lutte politique et de la répression coloniale, avec l'arrestation de militants, des manifestations durement réprimées et une montée des tensions entre nationalistes et autorités françaises, rendant inévitable une remise en question du protectorat.
En 1954, la situation politique en Tunisie atteint un point critique. Les tensions entre les nationalistes et les autorités coloniales s'intensifient, marquées par des affrontements violents, des grèves générales et une multiplication des actes de répression. Le Néo-Destour, soutenu par une large partie de la population, organise des manifestations de plus en plus massives, tandis que les autorités françaises réagissent en renforçant les mesures de contrôle et en multipliant les arrestations de militants indépendantistes. Les campagnes rurales deviennent le théâtre d'actions armées sporadiques, menées par des groupes de résistants qui refusent tout compromis avec le pouvoir colonial. Devant l'instabilité croissante et sous la pression des mouvements nationalistes, Pierre Mendès France, alors chef du gouvernement français, annonce l'autonomie interne de la Tunisie en 1954. Cet engagement marque une première victoire pour Bourguiba et ses partisans, ouvrant la voie à des négociations.
Habib Bourguiba, né en 1903 à Monastir, est l'une des figures les plus influentes du mouvement nationaliste tunisien. Issu d'une famille modeste, il se distingue par son brillant parcours académique, poursuivant des études de droit et de sciences politiques à Paris. De retour en Tunisie, il s'engage activement dans la lutte pour l'indépendance, dénonçant les abus du protectorat français et prônant une stratégie à la fois diplomatique et militante. En 1934, il fonde le Néo-Destour, un parti politique qui devient rapidement la principale force nationaliste du pays. Son combat lui vaut plusieurs périodes d'emprisonnement et d'exil, mais il reste un leader incontournable du mouvement indépendantiste. Son pragmatisme et sa vision moderniste lui permettent de mener des négociations décisives avec la France, jusqu'à obtenir l'indépendance du pays en 1956. Devenu Premier ministre, puis président de la République en 1957, il entreprend une série de réformes majeures pour moderniser la Tunisie, notamment en matière d'éducation, de droits des femmes et d'organisation de l'État.
Le 20 mars 1956 est une journée marquée par une effervescence politique intense. Les représentants tunisiens et français se retrouvent à Paris pour la signature de l'accord officialisant la fin du protectorat. La délégation tunisienne, menée par Tahar Ben Ammar, signe ce document historique qui consacre la pleine souveraineté du pays. En Tunisie, la nouvelle se répand rapidement et déclenche une vague de célébrations populaires. À Tunis, des milliers de citoyens envahissent les rues pour exprimer leur joie, brandissant des drapeaux tunisiens et scandant des slogans en l'honneur de l'indépendance.
Habib Bourguiba, figure centrale du mouvement nationaliste, prononce un discours exalté, saluant le courage du peuple tunisien et appelant à l'unité nationale pour bâtir un État moderne et stable. Il déclare avec ferveur : "Nous avons traversé bien des épreuves, subi la répression et connu l'exil, mais aujourd'hui, nous célébrons la victoire d'un peuple qui n'a jamais perdu espoir." Il insiste sur la nécessité de bâtir une Tunisie forte et progressiste, en affirmant : "L'indépendance n'est pas une fin en soi, mais le début d'une responsabilité immense. Nous devons nous unir pour construire une nation libre, juste et prospère." Bourguiba exhorte également les Tunisiens à dépasser les divisions et à œuvrer ensemble pour instaurer un État moderne, basé sur l'éducation, l'égalité et la réforme sociale.
La fin du protectorat signifie également le début d'une transition institutionnelle complexe, avec la mise en place des premières structures de gouvernement tunisien et l'organisation des futures institutions républicaines. Ce moment marque un tournant décisif pour la Tunisie, qui entre dans une nouvelle ère de souveraineté et de transformation politique.
L'indépendance acquise, la Tunisie amorce rapidement des transformations profondes sous la direction de Habib Bourguiba, devenu Premier ministre puis président de la République en 1957. Le pays s'engage dans une modernisation politique et sociale, avec la promulgation du Code du statut personnel, l'émancipation des femmes et la sécularisation progressive de l'État. Toutefois, au fil des décennies, le régime de Bourguiba se durcit, avec une concentration croissante du pouvoir et une répression des opposants politiques. En 1987, son état de santé déclinant conduit le Premier ministre Zine El-Abidine Ben Ali à orchestrer un coup d'État médical, mettant fin à son règne.
Ben Ali instaure une dictature marquée par un autoritarisme accru et une surveillance généralisée, tout en poursuivant les réformes économiques. Son régime est toutefois gangrené par la corruption et la répression des libertés fondamentales. En décembre 2010, un soulèvement populaire, initié par l'immolation de Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant, déclenche la révolution tunisienne. Après un mois de protestations massives, Ben Ali fuit le pays le 14 janvier 2011, marquant le début d'une transition démocratique complexe.
Depuis 2011, la Tunisie connaît des avancées démocratiques significatives, avec l'adoption d'une nouvelle Constitution en 2014 et la tenue d'élections libres. Cependant, le pays traverse aussi des crises politiques et économiques récurrentes, accentuées par l'instabilité régionale et le poids de la dette. En 2021, le président Kaïs Saïed décide de suspendre le Parlement et de gouverner par décrets, suscitant des inquiétudes quant à un retour à l'autoritarisme. En mars 2025, la Tunisie demeure un pays en quête de stabilité, confronté à des défis économiques majeurs et à des tensions politiques persistantes, tout en cherchant à préserver les acquis de la révolution.
L'indépendance tunisienne marque ainsi un tournant majeur dans l'histoire du pays et du Maghreb, inspirant d'autres mouvements de libération nationale en Afrique du Nord et au-delà. Aujourd'hui, les relations entre la Tunisie et la France restent étroites, bien que marquées par des hauts et des bas. Si les liens historiques et culturels demeurent forts, des tensions ponctuelles surgissent autour de questions économiques, migratoires et diplomatiques. La France reste l'un des premiers partenaires commerciaux de la Tunisie, investissant dans plusieurs secteurs clés comme l'industrie, l'énergie et le tourisme. Cependant, les débats sur l'immigration clandestine, les accords économiques et l'aide au développement créent parfois des frictions. Malgré ces défis, les deux pays maintiennent un dialogue constant, cherchant à renforcer leur coopération tout en préservant l'indépendance et les intérêts de chacun.