Aujourd'hui 20 avril 2025 marque le 217ème anniversaire de la naissance de Napoléon III, né en 1808. Retour sur le parcours complexe de cet homme d’État au destin impérial, dernier souverain français, à la fois admiré et controversé.
Né Charles-Louis Napoléon Bonaparte à Paris le 20 avril 1808, il est le troisième fils de Louis Bonaparte, alors roi de Hollande, et d’Hortense de Beauharnais, fille de Joséphine, épouse de Napoléon Ier. Dès sa naissance, il est plongé dans un univers empreint de grandeur impériale et de tensions politiques. Mais la chute de l'Empire en 1815 et l'exil qui suit bouleversent son enfance.
Après Waterloo, la famille Bonaparte se réfugie en Suisse, où Charles-Louis passe une grande partie de sa jeunesse, notamment au château d'Arenenberg, sur les bords du lac de Constance. C’est là qu’il reçoit une éducation solide, dans un cadre paisible mais chargé de nostalgie pour l’époque napoléonienne. Sa mère veille personnellement à son instruction, l’entourant de professeurs choisis avec soin, lui inculquant l’histoire, les sciences, les lettres et les langues, tout en nourrissant le mythe familial.
Son éducation militaire débute également très tôt. Il fréquente l’école militaire de Thoune, où il apprend les rudiments de la stratégie et de la discipline. Loin d’être un simple rêveur, le jeune Bonaparte forge, dès l’adolescence, une conscience politique aiguë, persuadé que son nom l’oblige. Il admire profondément son oncle Napoléon Ier, qu’il considère comme un modèle absolu de leadership et de réforme. Cet héritage glorieux nourrit ses ambitions et l’idée qu’il lui revient un jour de restaurer la grandeur perdue de sa famille.
Son engagement politique se manifeste très tôt, nourri par l’idéal familial et les souvenirs glorifiés du Premier Empire. Convaincu de la légitimité dynastique des Bonaparte et de son propre destin politique, Charles-Louis Napoléon entreprend de mettre en œuvre ses ambitions dès les années 1830. En 1836, il tente un premier coup d'État à Strasbourg, espérant rallier la garnison locale à sa cause. L’entreprise échoue, et il est arrêté puis exilé aux États-Unis. Cependant, son obstination ne faiblit pas.
En 1840, il tente une nouvelle action spectaculaire à Boulogne-sur-Mer, débarquant avec une poignée de partisans et un aigle impérial pour rallier les troupes stationnées sur place. Là encore, l'opération tourne court et il est fait prisonnier. Cette fois, il est incarcéré au fort de Ham, dans la Somme, où il passera six années. Ce temps d’enfermement devient une période de maturation politique et intellectuelle. Il y rédige plusieurs ouvrages, dont le plus célèbre, "L’Extinction du paupérisme" (1844), dans lequel il défend des idées sociales novatrices pour l’époque, inspirées du saint-simonisme.
Cet ouvrage rencontre un certain écho dans les milieux républicains et ouvriers, et participe à construire l’image d’un prince attentif aux souffrances du peuple. Il y développe l’idée que le rôle du pouvoir politique est de réduire la misère par des grands travaux, l’éducation, le crédit accessible et l'association des travailleurs. Par cette publication et d'autres écrits, Napoléon Louis cultive progressivement une légitimité sociale et politique, qui dépasse son seul nom, et prépare son retour sur la scène nationale.
Son heure arrive avec la Révolution de 1848, qui renverse la monarchie de Juillet et ouvre une période d'incertitude politique. Profitant de son nom et de l’image populaire qu’il a patiemment cultivée, Louis-Napoléon Bonaparte se présente à l’élection présidentielle de la Deuxième République. Grâce à une campagne habile, appuyée par des réseaux bonapartistes, des soutiens dans les classes populaires séduites par ses idées sociales, et la nostalgie de l’ordre impérial, il remporte l’élection de décembre 1848 avec une majorité écrasante, recueillant plus de 74 % des voix.
Devenu président, il se heurte rapidement aux limites imposées par la Constitution, qui lui interdit de se représenter à la fin de son mandat de quatre ans. Devant l’opposition de l’Assemblée à une révision constitutionnelle, il décide de s’emparer du pouvoir par la force. Le 2 décembre 1851, jour anniversaire du sacre de Napoléon Ier et de la victoire d’Austerlitz, il orchestre un coup d’État militaire. Les résistances sont écrasées, les opposants arrêtés, et la population appelée à se prononcer par plébiscite.
Ayant consolidé son autorité grâce à une large approbation populaire, il proclame le Second Empire un an plus tard, le 2 décembre 1852, prenant officiellement le titre de Napoléon III. Il se présente alors comme l’héritier légitime de son oncle et le garant d’un pouvoir fort au service du progrès, de l’ordre et de la prospérité.
Son règne, le Second Empire, est marqué par une profonde modernisation économique, sociale et urbaine de la France. Le développement du réseau ferroviaire transforme le pays : en deux décennies, la France passe de quelques centaines à des milliers de kilomètres de voies ferrées, facilitant les échanges commerciaux, la mobilité des populations et l’unification économique du territoire. Cette expansion est soutenue par l’État, qui favorise les investissements dans les infrastructures grâce à une politique volontariste.
À Paris, l’empereur confie à Georges-Eugène Haussmann un vaste programme de rénovation urbaine. Le baron métamorphose la capitale en creusant de larges avenues, en aérant les quartiers surpeuplés et en construisant des égouts, des parcs et des bâtiments publics. Ce chantier colossal, bien que critiqué pour ses destructions, donne naissance au Paris moderne.
Sur le plan économique, Napoléon III encourage l’essor bancaire avec la création d’établissements tels que le Crédit Mobilier et le Crédit Foncier, qui permettent de financer les travaux publics et l’industrialisation. Il favorise également la création des sociétés anonymes, facilitant la levée de capitaux pour les entreprises. Sous son règne, la France connaît une croissance économique soutenue, avec une forte augmentation de la production industrielle, notamment dans le textile, la sidérurgie et la chimie.
Sur le plan social, Napoléon III cherche à améliorer le sort des ouvriers. Il autorise progressivement les sociétés de secours mutuels, encourage l’épargne populaire et soutient certaines expériences de logement social. Il reste cependant méfiant à l’égard des syndicats et du droit de grève, qu’il n’autorisera qu’en 1864.
Enfin, dans les années 1860, conscient de la montée des oppositions républicaines et libérales, il assouplit progressivement son régime autoritaire. Il accorde davantage de libertés à la presse, accepte des débats parlementaires plus ouverts et nomme des ministres d’opinion plus libérale. Cette évolution vers un Empire libéral reste inachevée, interrompue par la guerre de 1870.
Sur le plan international, Napoléon III veut restaurer le prestige de la France et réaffirmer son rôle au sein du concert des nations européennes. Il s’engage d’abord dans la guerre de Crimée (1854-1856) aux côtés du Royaume-Uni, de l’Empire ottoman et du royaume de Sardaigne contre la Russie. Cette alliance marque le retour diplomatique de la France sur la scène internationale après les défaites napoléoniennes. La victoire de la coalition et le traité de Paris (1856) renforcent son image de protecteur de l’équilibre européen.
En 1859, Napoléon III intervient militairement dans la péninsule italienne pour soutenir le royaume de Piémont-Sardaigne contre l’Autriche, dans le but de favoriser l’unification italienne. Les batailles de Magenta et Solférino, remportées par les troupes franco-piémontaises, aboutissent à la libération de la Lombardie. Cette campagne, bien que victorieuse, suscite des inquiétudes à l’échelle européenne et révèle les limites de la stratégie impériale.
Cependant, certaines initiatives diplomatiques et militaires s’avèrent plus aventureuses et controversées. L’expédition au Mexique (1862-1867), destinée à établir un empire catholique favorable aux intérêts français, se solde par un échec retentissant. Malgré la mise en place de l’archiduc Maximilien d’Autriche sur le trône mexicain, le projet s’enlise dans une guerre de guérilla, et Napoléon III finit par retirer ses troupes sous la pression des États-Unis et en raison du coût croissant de l’opération. Maximilien est capturé et exécuté en 1867, marquant un revers diplomatique majeur pour l’empereur.
Par ailleurs, Napoléon III poursuit une politique coloniale active, renforçant la présence française en Afrique du Nord, en Asie (Cochinchine, Cambodge) et dans l’océan Indien. Ces entreprises visent à affirmer la puissance française sur les mers et à développer un empire colonial, mais elles alimentent aussi les critiques sur le caractère aventureux et coûteux de sa politique extérieure.
Sur le plan privé, Napoléon III épouse en 1853 Eugénie de Montijo, une Espagnole catholique issue de la noblesse andalouse. Leur union, à la fois politique et sentimentale, donne naissance en 1856 à un fils unique, le prince impérial Napoléon-Eugène Louis.
Leur vie conjugale est marquée par les infidélités notoires de l'empereur, tandis que l'impératrice Eugénie exerce une influence croissante dans la sphère politique, notamment sur les affaires religieuses et internationales, suscitant critiques et controverses.
Le prince impérial grandit dans une atmosphère de solennité et de responsabilité, élevé pour incarner un jour la continuité du régime. Après la chute de l'Empire en 1870, il suit ses parents en exil en Angleterre. Devenu jeune homme, il poursuit une carrière militaire et s'engage dans l'armée britannique. Il meurt tragiquement à l'âge de 23 ans en 1879, tué au combat lors de la guerre anglo-zouloue en Afrique du Sud. Sa disparition brutale met un terme aux espoirs de restauration impériale portés par les bonapartistes, et marque la fin de la lignée directe de Napoléon III.
La fin de son règne survient brutalement. En 1870, mal conseillé et isolé diplomatiquement, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse de Bismarck. Cette décision précipitée, motivée par un désir de restaurer le prestige national, s’avère désastreuse. L’armée française est rapidement dépassée par les forces prussiennes, mieux préparées et mieux équipées. Dès septembre, lors de la bataille de Sedan, l’empereur est capturé avec son armée. Cette humiliation conduit à la proclamation de la Troisième République à Paris, le 4 septembre 1870.
Fait prisonnier en Allemagne, il est libéré quelques mois plus tard et rejoint sa famille en exil en Angleterre, où ils s’installent à Chislehurst, dans le Kent. Affaibli par la maladie et meurtri par la défaite, Napoléon III vit ses dernières années dans une semi-retraite, entre nostalgie et discrètes tentatives de reconquête politique. Il meurt le 9 janvier 1873 à l’âge de 64 ans, des suites de complications liées à une maladie rénale, après plusieurs interventions chirurgicales douloureuses.
Il est inhumé en Angleterre, dans la crypte de l'abbaye Saint-Michel de Farnborough, dans le Hampshire, un lieu fondé par l'impératrice Eugénie après sa mort. Ce monastère bénédictin abrite également les sépultures de l'impératrice et du prince impérial, réunissant ainsi la famille impériale en exil dans ce sanctuaire de mémoire.
Après sa mort, l’impératrice Eugénie consacre sa vie à la mémoire de son époux et à l’avenir de leur fils, le prince impérial. Elle organise des cérémonies, entretient des réseaux bonapartistes et garde vivante la cause impériale jusqu’au décès tragique de leur fils en 1879. Cette double perte met fin aux espoirs d’une restauration de l’Empire par la descendance directe de Napoléon III.
Napoléon III demeure une figure ambivalente de l’histoire française : artisan du développement économique et social, autoritaire devenu libéral, patriote mais stratège malheureux. Son souvenir reste attaché à l'image d'une France moderne mais aussi à la déroute de 1870.