ELECTION

Dans les secrets de l’élection papale

Le 21 avril 2025, le monde catholique a appris avec émotion le décès du pape François, souverain pontife depuis 2013. Cet événement ouvre une nouvelle période de sede vacante, c'est-à-dire de vacance du Siège apostolique, au cours de laquelle l'Église se prépare à élire un nouveau pape. Ce processus, codifié par la Constitution apostolique Universi Dominici Gregis, se déroule selon des règles strictes.

Dès le décès du pape, confirmé par le cardinal camerlingue après la constatation officielle, celui-ci entre immédiatement en fonction pour assurer l’intérim. Le rôle du camerlingue est crucial durant cette période : il prend la direction administrative du Vatican, scelle les appartements papaux pour en garantir l'intégrité, et appose son sceau sur les biens personnels du pape afin d'éviter tout acte de spoliation ou de manipulation. Il convoque le Collège des cardinaux pour une série de réunions dites congrégations générales, au cours desquelles sont discutées les modalités de préparation du conclave. Il supervise également l'organisation des funérailles, en collaboration avec les autorités liturgiques et protocolaires. Le camerlingue veille rigoureusement à ce qu’aucune décision touchant à la gouvernance spirituelle de l’Église ne soit prise, l’administration courante étant strictement limitée à la gestion ordinaire et conservatoire en attendant l’élection d’un nouveau pontife.

Traditionnellement, les funérailles ont lieu entre le 4e et le 6e jour après le décès, laissant le temps aux fidèles et aux délégations étrangères de se rendre à Rome. Durant cette période, le corps du pape est exposé à la basilique Saint-Pierre, d'abord en privé pour les membres du clergé, puis publiquement pour permettre aux fidèles de lui rendre un dernier hommage. Une veillée funèbre peut être organisée, ponctuée de prières et de messes.

La messe de funérailles, appelée Missa Pro Pontifice Defuncto, est célébrée en plein air sur la place Saint-Pierre. Elle est présidée par le doyen du Collège des cardinaux et suivie par des centaines de milliers de fidèles, ainsi que de nombreux chefs d'État, représentants de gouvernements, leaders religieux et diplomates venus du monde entier. Le rite funéraire obéit à un protocole liturgique précis, et inclut une homélie en mémoire du pontificat défunt.

À l'issue de la messe, le cercueil est transporté solennellement dans les grottes vaticanes, où il est inhumé aux côtés de ses prédécesseurs, conformément à la tradition séculaire. Ce moment, empreint de recueillement, marque la fin du deuil officiel de l'Église et ouvre pleinement la période de sede vacante.

Le pape François a voulu simplifier ces obsèques, en prévoyant un rite unique et plus rapide et un enterrement dans un cercueil simple, pour davantage de sobriété. Il a également mis fin à la cérémonie de fermeture du cercueil et à l’exposition du corps.

Contrairement à ses prédécesseurs, François a révélé vouloir être inhumé dans la basilique Sainte-Marie Majeure de Rome et non au Vatican.

Le conclave est convoqué entre le 15e et le 20e jour suivant la mort du pape, afin de respecter un délai suffisant pour permettre aux cardinaux du monde entier de se rendre à Rome. Ce délai permet également la tenue des congrégations générales, au cours desquelles les cardinaux échangent librement sur la situation de l'Église, les défis contemporains, et les profils souhaitables pour le futur pontife.

Seuls les cardinaux âgés de moins de 80 ans au jour du décès du pape peuvent participer au vote. Actuellement, ce nombre est limité à 120 électeurs au maximum, bien que ce seuil ait parfois été dépassé temporairement.

À leur arrivée, les cardinaux logent dans la résidence Sainte-Marthe, au sein du Vatican, et vivent en isolement total pendant toute la durée du conclave. Cette mesure d’enfermement strict, appelée claustration, vise à garantir la liberté et la sérénité du discernement. Toute communication avec l’extérieur est interdite, y compris l’usage de téléphones, d’internet ou de médias.

Avant d’entrer dans la chapelle Sixtine pour débuter les scrutins, les cardinaux prêtent serment de secret absolu sur tout ce qui se déroule durant le conclave. Toute violation de ce serment est passible d’excommunication. L’ambiance est à la fois solennelle, introspective et stratégique, chaque cardinal cherchant à discerner le choix que l’Esprit saint inspirera pour guider l’Église dans une nouvelle étape de son histoire.

Les cardinaux électeurs se réunissent chaque jour dans la chapelle Sixtine, lieu sacré orné des fresques de Michel-Ange, qui devient le théâtre d’un des événements les plus secrets et solennels de l’Église catholique. Le processus de vote suit une procédure rigoureuse : deux scrutins sont organisés chaque matin et deux chaque après-midi, jusqu’à l’élection du nouveau souverain pontife.

Pour qu’un cardinal soit élu pape, il doit obtenir une majorité qualifiée des deux tiers des voix exprimées. Avant chaque vote, une méditation spirituelle est proposée par un prédicateur choisi, afin d’éclairer les consciences et d’inspirer le discernement. Les bulletins sont ensuite remplis à la main, pliés, puis déposés individuellement dans une urne par chaque cardinal, dans un silence recueilli.

Lors du conclave de 2013 qui aboutit à l’élection du pape François, 115 cardinaux électeurs étaient réunis. L’élection s’est déroulée rapidement : après cinq scrutins sur deux jours, Jorge Mario Bergoglio a été élu avec environ 90 voix, soit bien plus que les deux tiers requis (77 voix). Cette rapidité témoigne d’un large consensus autour de sa personne, considérée comme un choix de réforme et de simplicité dans un contexte de turbulences pour l’Église. Ce résultat, bien que non officiellement confirmé dans ses chiffres exacts (les votes restent secrets), a été largement relayé par les médias et les vaticanistes.

Une fois les votes comptés et consignés, les bulletins sont brûlés avec des additifs chimiques spécifiques : une fumée noire (fumata nera) s’élève en cas d’échec du scrutin, tandis qu’une fumée blanche (fumata bianca) annonce au monde l’élection du nouveau pape. Cette tradition visuelle est suivie avec ferveur par les fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre et observée en direct par des millions de personnes à travers le monde. La durée du conclave est imprévisible : il peut durer quelques jours comme plusieurs semaines, selon les débats, les candidatures et les consensus à trouver entre les électeurs.

Une fois le pape élu, celui-ci est conduit dans la salle des larmes, une pièce attenante à la chapelle Sixtine, où il peut prendre un moment pour prier, méditer et enfiler les habits pontificaux. Il y reçoit également les félicitations des cardinaux. Le nouveau souverain pontife accepte alors formellement la charge en prononçant la phrase : Accepto, puis choisit son nom de règne, souvent porteur d’un message symbolique ou inspiré d’un prédécesseur.

C’est ensuite le cardinal protodiacre, doyen des cardinaux-diacres, qui monte à la loggia centrale de la basilique Saint-Pierre pour prononcer la fameuse formule : Annuntio vobis gaudium magnum: Habemus Papam!, suivie du nom civil du nouveau pape et de son nom de règne.

Dans les minutes qui suivent, le nouveau pape apparaît à son tour à la loggia. Il adresse alors à la foule un premier message bref, souvent empreint de simplicité. En 2013, les premiers mots du pape François furent : « Frères et sœurs, bonsoir ! ». Ce salut inhabituel, empreint de proximité, a immédiatement marqué un changement de ton. Il poursuivit en disant : « Vous savez que le devoir du conclave était de donner un évêque à Rome. Il semble que mes frères cardinaux sont allés le chercher presque au bout du monde. »

Ces paroles, dites avec un sourire et une grande simplicité, ont immédiatement séduit les fidèles et donné le ton d’un pontificat placé sous le signe de l’humilité et du lien direct avec le peuple. Après ce bref discours, il a invité la foule à prier pour lui, observant un silence impressionnant sur la place Saint-Pierre. Il a ensuite donné la bénédiction Urbi et Orbi (à la ville et au monde). Cette apparition publique marque symboliquement l’entrée en fonction du nouveau chef spirituel de plus d’un milliard de catholiques. L’accueil de la foule est généralement un moment très émouvant, ponctué de chants, d’applaudissements et de recueillement.

Le nouveau pape célèbre sa première messe avec les cardinaux dans la chapelle Sixtine, un moment intime et solennel marqué par le recueillement et la prière commune. Cette messe, dite pro eligendo Pontifice, est l’un des premiers actes symboliques du nouveau pontificat et permet au pape de manifester l'esprit avec lequel il entend gouverner l'Église.

Dans le cas du pape François en 2013, dès les premières heures de son élection, il a surpris par des gestes de simplicité et d'humilité : il a refusé de porter la mozette de velours rouge bordée d’hermine, optant pour une tenue blanche simple, et a demandé à la foule de prier pour lui avant de donner sa bénédiction Urbi et Orbi. Il a également choisi de regagner la Maison Sainte-Marthe dans un minibus aux côtés des autres cardinaux au lieu d’utiliser la voiture officielle.

Dans les jours qui ont suivi, il a rencontré les cardinaux, salué les fidèles rassemblés à Rome, et reçu des délégations venues du monde entier. Il a prononcé ses premiers discours, mettant l'accent sur la miséricorde, la pauvreté, la fraternité, et une Église "qui sorte vers les périphéries". Son intronisation solennelle a eu lieu quelques jours plus tard sur la place Saint-Pierre, lors d'une messe inaugurale célébrée devant des centaines de milliers de fidèles et de nombreux chefs d'État, marquant officiellement le début de son ministère pétrinien.

Ce processus complexe, mêlant rites ancestraux et enjeux contemporains, constitue un moment historique et spirituel majeur pour l'Église catholique et pour le monde.

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