ANNIVERSAIRE

Philippe Ier, le Roi oublié

Aujourd'hui 23 mai 2025, Philippe Ier aurait eu 973 ans. Né le 23 mai 1052, il fut roi de France de 1060 à sa mort le 29 juillet 1108. 

Philippe Ier, fils du roi Henri Ier et d’Anne de Kiev, voit le jour dans une Europe médiévale en pleine transformation. Son prénom, rare dans la dynastie capétienne, témoigne déjà d’une ouverture culturelle, sa mère étant d’origine slave. Devenu roi à l’âge de 7 ans après la mort de son père, il règne d’abord sous la tutelle de sa mère et du puissant comte de Flandre, Baudouin V. Philippe reçoit une éducation adaptée à son rang : s’il n’apprend pas à lire et à écrire, il se forme à l’art de gouverner, à la guerre, à la diplomatie, et aux usages de la cour.

Sa vie privée est marquée par deux unions. En 1072, il épouse Berthe de Hollande, qui lui donnera plusieurs enfants dont le futur Louis VI. Le couple, cependant, se délite : en 1092, Philippe répudie Berthe, officiellement pour des raisons de consanguinité, mais surtout pour épouser Bertrade de Montfort, alors déjà mariée au comte d’Anjou. Ce remariage provoque un scandale majeur. Le roi se retrouve excommunié à plusieurs reprises par le pape Urbain II, situation qui l’éloigne temporairement de la communauté chrétienne et ternit son image auprès de la noblesse et du clergé.

Sur le plan professionnel, Philippe Ier est d’abord un roi capétien dans une monarchie fragile. Son autorité ne s’étend guère au-delà de l’Île-de-France ; le royaume reste morcelé entre de grands féodaux comme les ducs de Normandie, d’Aquitaine, ou de Bourgogne. Philippe doit sans cesse composer avec eux, utilisant la diplomatie, la ruse et parfois la force. Il tire parti des rivalités entre seigneurs et multiplie les alliances par mariage, faisant preuve d’un sens politique reconnu. Malgré la faiblesse militaire de la royauté, il parvient à renforcer l’emprise capétienne sur certaines terres, posant ainsi les bases d’une centralisation qui portera ses fruits sous ses successeurs.

Son règne est également marqué par la montée en puissance de la Normandie sous Guillaume le Conquérant, devenu roi d’Angleterre en 1066. Philippe, tour à tour adversaire et allié des Plantagenêt, doit jongler avec l’équilibre des forces, tentant d’affaiblir la Normandie tout en évitant l’affrontement direct. Il soutient les fils révoltés de Guillaume et s’engage dans plusieurs guerres locales, mais son influence reste limitée par le manque de ressources du domaine royal.

Sur le plan politique, Philippe Ier se montre pragmatique, parfois opportuniste. Il n’hésite pas à pactiser avec des vassaux rebelles, à utiliser l’excommunication comme un levier de négociation, et à intervenir dans les affaires ecclésiastiques pour protéger ses intérêts. Il favorise aussi la fondation de nouvelles villes, appelées « villes neuves », et accorde des chartes de franchises afin de renforcer le pouvoir royal sur les territoires urbains.

Le règne de Philippe Ier coïncide avec l’émergence de la réforme grégorienne, qui vise à renforcer le pouvoir du pape et à moraliser le clergé. Philippe s’oppose à la papauté lorsque ses intérêts sont menacés, mais il sait aussi composer avec l’Église quand cela sert la monarchie. Son conflit avec Urbain II au sujet de son mariage illustre bien ces tensions entre royauté et Église.

La participation de la France à la première croisade (1096-1099) a lieu sous son règne, même si Philippe Ier n’y prend pas part personnellement en raison de son excommunication. Néanmoins, plusieurs de ses vassaux, dont le comte de Toulouse Raymond IV, y jouent un rôle déterminant, contribuant à la renommée de la France chrétienne en Orient.

À la fin de sa vie, Philippe Ier doit affronter la révolte de son fils Louis, soutenu par une partie de la noblesse lassée de la faiblesse du pouvoir royal. Sentant la nécessité de préparer la succession, il associe Louis au trône dès 1100. Philippe s’éteint le 29 juillet 1108 à Melun, à l’âge de 56 ans. Il est inhumé à l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, choix inhabituel pour un roi capétien, signe de son éloignement partiel d’avec la tradition dynastique de Saint-Denis.

Philippe Ier laisse une monarchie encore fragile mais mieux affirmée, un héritier solide, et un royaume dont l’autorité capétienne commence à se renforcer. Son règne, souvent jugé terne par les chroniqueurs, apparaît aujourd’hui comme une période de transition essentielle, entre la féodalité éclatée du début du Moyen Âge et la lente consolidation de la royauté française.

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