Charles VIII naît le 30 juin 1470 à Amboise, dans un royaume de France en convalescence, encore marqué par les ruines de la guerre de Cent Ans mais entré dans une lente reconstruction. On célèbre aujourd'hui son 555ème anniversaire. Il est le fils tant attendu de Louis XI et de Charlotte de Savoie. Enfant maladif, élevé loin de la cour, il reçoit une éducation classique, austère et solitaire. Son père, souverain méfiant et calculateur, le tient à l'écart des affaires, mais le prépare sans relâche à la lourde charge royale. À la mort de Louis XI en 1483, Charles monte sur le trône à l'âge de treize ans. En raison de sa minorité, la régence est confiée à sa sœur aînée, Anne de Beaujeu, femme d'une rare intelligence politique et d'une poigne que n'aurait pas renié leur père.
Les premières années du règne sont dominées par cette régence habile. Anne de Beaujeu déjoue la Ligue du Bien public, puis écrase la révolte du duc d'Orléans, futur Louis XII. Elle fixe les fondations d'un royaume centralisé, soumet la noblesse et maintient les finances dans un équilibre fragile mais réel. Charles devient majeur en 1491, à vingt et un ans. Son premier acte politique d'importance marque un tournant stratégique pour la France : il rompt les fiançailles imposées avec Marguerite d'Autriche et épouse Anne de Bretagne, alors promise au roi d'Angleterre. Ce mariage, fruit d'une véritable opération militaire en Bretagne, rattache définitivement le duché à la couronne.
La conquête de la Bretagne achevée, Charles VIII se tourne vers le sud. Il se persuade être l'héritier des droits angevins sur le royaume de Naples. En 1494, il lance la première expédition d'une longue série de guerres d'Italie. Avec une armée moderne, disciplinée, dotée d'une artillerie révolutionnaire, il traverse les Alpes, entre triomphalement à Florence, puis à Rome, et descend jusqu'à Naples, qu'il occupe sans combat en 1495. Pourtant, son succès foudroyant éveille les craintes des puissances européennes. Venise, Milan, l'Empire et l'Espagne forment la Ligue de Venise. Charles, isolé, doit battre en retraite. Il remporte à Fornoue une victoire tactique qui lui permet de repasser les Alpes, mais perd le royaume conquis.
Ce revers ne brise pas son rêve italien. Il se replie en France avec l'idée d'un retour, mais les ressources financières et humaines manquent. Il tente de réorganiser son administration et de restaurer son autorité. Dans les années suivantes, il manifeste une volonté accrue de gouverner en personne. Il tient conseil, arbitre les conflits de juridiction, inspecte les chantiers royaux. Son goût pour l'architecture le pousse à métamorphoser Amboise en un palais à l'italienne, faisant venir artistes et artisans de la péninsule. Mais sa santé reste fragile, et ses efforts de réforme restent inaboutis.
Sur le plan personnel, Charles VIII est un prince pieux et simple, peu cultivé mais curieux, d’une grande gentillesse mais souvent influençable. Son mariage avec Anne de Bretagne ne donne naissance qu'à des enfants morts en bas âge, ce qui entretient l'incertitude sur sa succession. Cette absence d'héritier renforce les ambitions de son cousin Louis d'Orléans, que Charles finit par rapprocher de son conseil. Dans les dernières années du siècle, le roi nourrit le projet de relancer l'expédition italienne, mais l'échiquier européen a changé : l'Espagne est installée à Naples, le pape est hostile, et les caisses sont vides.
La mort de Charles VIII, survenue brutalement le 7 avril 1498, dans un accident absurde à Amboise alors qu'il se rend à un match de jeu de paume, met un terme prématuré à son règne. Il n'a que vingt-sept ans. Sa disparition sans descendance directe ouvre la voie à l'accession au trône de Louis d'Orléans, devenu Louis XII. La reine Anne de Bretagne reprend sa liberté et retourne en Bretagne avant de se remarier avec le nouveau roi, assurant la continuité de l'union territoriale.
Le règne de Charles VIII, souvent perçu comme un épisode intermédiaire entre les figures puissantes de Louis XI et de Louis XII, fut pourtant un moment d'accélération de l'histoire française. Il initie les guerres d'Italie, dont l'impact sur la culture et la politique européenne fut immense. Il confirme le rattachement de la Bretagne à la France, modifie durablement l'équilibre des puissances en Europe, et inaugure une monarchie plus centralisée. Son impulsivité, ses rêves de grandeur, ses échecs même, préfigurent les ambitions des Valois ultérieurs. Sa vie brève fut celle d'un roi de feu, dont les actes dépassèrent souvent les capacités, mais ouvrirent la voie à un autre destin français.