ELECTION POLITIQUE CITOYEN

HISTOIRE D'UN JOUR - 26 JANVIER 1950

L'éveil d'une république, le renouveau de l'Inde

26 janvier 1950 : l'Inde devient une république au sein du Commonwealth

Le 26 janvier 1950 marque une étape fondatrice pour l’Inde moderne : l’entrée en vigueur de sa Constitution, faisant de la nation une république souveraine et démocratique au sein du Commonwealth. Cet événement, fruit d’années de lutte pour l’indépendance et de débats intenses sur la structure à donner à l’État indien, établit les bases d’une société unie dans sa diversité et engagée sur la voie de la modernité.

L’élaboration de cette Constitution plonge ses racines dans le vaste mouvement nationaliste qui s’est développé sous la domination coloniale britannique. Dès la fin du XIXe siècle, des organisations telles que le Congrès national indien posent les premières bases d'une contestation politique structurée. Au début du XXe siècle, les appels à une autodétermination politique se multiplient, portés par des figures telles que Bal Gangadhar Tilak, connu pour son slogan "Swaraj est mon droit de naissance", et plus tard, Mahatma Gandhi et Jawaharlal Nehru. La lutte non violente de Gandhi, marquée par des épisodes tels que la Marche du sel en 1930, galvanise des millions d’Indiens autour de l’idée d’une Inde libre et autonome. Ce mouvement, bien qu’ancré dans la non-violence, révèle également des divergences internes sur la stratégie et les objectifs à atteindre, entre modérés et radicaux. Après des décennies de résistance, d’emprisonnements massifs et de négociations, l’indépendance est finalement acquise le 15 août 1947. Cependant, la Partition, qui accompagne cette liberté retrouvée, engendre une violence intercommunautaire sans précédent, des déplacements massifs de population et un traumatisme durable dans la conscience collective indienne.

Dans ce contexte de chaos et de reconstruction, l’Assemblée constituante de l’Inde est convoquée le 9 décembre 1946 pour concevoir une structure politique adaptée à la complexité du pays. Présidée par Dr. Rajendra Prasad et guidée par des personnalités comme B.R. Ambedkar, réputé pour son expertise juridique et son dévouement à la justice sociale, cette assemblée travaille durant près de trois ans. Le document final, adopté le 26 novembre 1949, reflète un compromis subtil entre les principes d’égalité, de liberté individuelle et d’unité nationale.

Le jour du 26 janvier 1950, la capitale, Delhi, se réveille dans une atmosphère solennelle et festive. Dès les premières heures, des foules se rassemblent autour du Rajpath, lieu central des cérémonies officielles, tandis que les radios diffusent les hymnes patriotiques et les annonces du gouvernement. Le point culminant de cette journée historique est la prestation de serment du Dr. Rajendra Prasad comme premier président de la République, un acte qui symbolise la fin d'une ère coloniale et le début d'une nouvelle ère d'autonomie et de démocratie. La cérémonie se déroule dans la salle centrale du Parlement, où sont rassemblés les membres de l'Assemblée constituante, les dignitaires étrangers, et les leaders politiques de tout le pays.

Au même moment, le drapeau national, arborant les couleurs safran, blanc et vert, ainsi que l'Ashoka Chakra, est hissé avec fierté au-dessus de la Porte de l'Inde. Ce geste hautement symbolique est accompagné d'une salve de 21 coups de canon, marquant l’avènement officiel de la république. Les écoliers, les fonctionnaires et les forces armées participent à des défilés spectaculaires qui soulignent la diversité et l’unité du pays. En fin de journée, des discours sont prononcés par les leaders nationaux, notamment Jawaharlal Nehru, qui réaffirme l’engagement de l’Inde envers la paix, la justice et le progrès.

Le choix du 26 janvier pour cet événement est hautement symbolique : il commémore la déclaration de l’indépendance totale adoptée lors du Congrès de Lahore en 1930. Ce rappel historique renforce l’importance de la journée, non seulement comme une célébration politique, mais aussi comme une réaffirmation des valeurs qui ont porté le mouvement pour l’indépendance.

La Constitution indienne, avec ses 395 articles et 8 annexes, est une des plus longues au monde. Elle instaure une république parlementaire fédérale, où les pouvoirs sont répartis entre un gouvernement central puissant et des États fédérés jouissant d’une autonomie significative. Parmi ses articles fondamentaux, l’article 14 garantit l’égalité devant la loi et l’article 19 définit les libertés fondamentales, incluant la liberté de parole, de réunion et d’association. L’article 15 interdit expressément toute discrimination fondée sur la religion, la race, la caste, le sexe ou le lieu de naissance. Par ailleurs, l’article 17 abolit le système de l’« intouchabilité », un pas majeur vers la justice sociale.

En outre, l’article 21 garantit le droit à la vie et à la liberté personnelle, tandis que l’article 25 assure la liberté de conscience et le droit de pratiquer, de précher et de propager toute religion. Les droits économiques et sociaux sont également abordés : les articles 38 et 39 incluent des directives de politique étatique visant à réduire les inégalités et à garantir une répartition équitable des ressources. Ces dispositions reflètent une vision d’un État orienté vers une économie socialement inclusive et un cadre où les droits fondamentaux servent de pilier à la démocratie indienne.

La journée du 26 janvier 1950 voit donc Dr. Rajendra Prasad devenir le premier président de l’Inde, un homme respecté pour son rôle dans la lutte pour l’indépendance et son engagement en faveur de l’unité nationale. Né dans une famille modeste du Bihar en 1884, il était un érudit reconnu et un fervent disciple de Mahatma Gandhi. En tant que président de l’Assemblée constituante, il avait guidé les débats avec une sagesse et une patience remarquables, gâgeant l’adhésion de divers groupes au sein de l’Assemblée. Son investiture comme président symbolise l’entrée dans une nouvelle ère de responsabilité et de souveraineté pour l’Inde.

Parallèlement, Jawaharlal Nehru, qui demeure Premier ministre, est une figure éminente du nationalisme indien. Charismatique et visionnaire, il était déterminé à construire une nation moderne basée sur des principes séculiers, socialistes et démocratiques. Nehru avait consacré sa vie à la lutte pour l’indépendance, jouant un rôle crucial dans les négociations avec les Britanniques et dans la gestion des crises post-Partition. À travers son discours emblématique "Tryst with Destiny", prononcé lors de l’indépendance en 1947, il avait réaffirmé son rêve d’une Inde prospère et inclusive. Le 26 janvier, Nehru se tient aux côtés de Prasad, incarnant l’esprit de collaboration et de détermination qui caractérise ce moment historique. La transition du statut de Dominion à celui de république indépendante est marquée par des cérémonies solennelles à Delhi, où le drapeau national flotte fièrement, symbolisant l’unité retrouvée d’une nation fragmentée par des siècles de colonialisme et de divisions internes.

Les défis à relever demeurent toutefois immenses. L’Inde, fraîchement devenue une république, doit faire face à des tensions ethniques et linguistiques exacerbées par la Partition, qui a laissé des blessures profondes. La pauvreté endémique continue de toucher une grande partie de la population rurale et urbaine, rendant la réforme agraire une priorité absolue pour redistribuer les terres et stimuler la production agricole. En parallèle, le gouvernement doit promouvoir l’éducation, notamment dans les régions marginalisées, en construisant des écoles et en formant des enseignants pour réduire les taux d’analphabétisme élevés.

La construction d’infrastructures, telles que des routes, des chemins de fer et des réseaux électriques, constitue un autre chantier essentiel pour développer une économie moderne capable de rivaliser sur la scène internationale tout en étant inclusive pour tous les segments de la société. Sur le plan politique, le régime démocratique, en dépit de ses imperfections initiales, s’impose progressivement comme un modèle unique dans une région souvent marquée par des régimes autoritaires ou instables. Le maintien de cette démocratie repose sur un équilibre fragile, nécessitant des efforts constants pour répondre aux aspirations d’une population hétérogène tout en préservant les valeurs fondamentales d’unité et de justice sociale.

La Constitution de l’Inde reste aujourd’hui un document vivant, amendé à plusieurs reprises pour s’adapter à l’évolution des besoins du pays. Les changements constitutionnels reflètent l’évolution de la société indienne depuis 1950, marquée par des transitions politiques et économiques majeures. Par exemple, en 1950, l’Inde était une société largement agricole avec une faible industrialisation et une forte stratification sociale liée au système des castes. Aujourd’hui, la politique indienne est influencée par la mondialisation, l’émergence d’une classe moyenne dynamique et un paysage politique marqué par un pluralisme accru, avec une prolifération de partis régionaux reflétant les identités linguistiques et culturelles.

En 1950, les politiques gouvernementales mettaient fortement l’accent sur le développement planifié et le secteur public, suivant une orientation socialiste sous Jawaharlal Nehru. En revanche, la politique contemporaine est caractérisée par une libéralisation économique amorcée dans les années 1990, résultant en une ouverture à l’investissement étranger et une croissance rapide de secteurs comme les technologies de l’information. Sur le plan sociétal, bien que les droits fondamentaux restent une pierre angulaire, les luttes pour l’égalité, notamment pour les femmes et les minorités, prennent de nouvelles formes dans un contexte de médias sociaux et d’engagement civique.

Le 26 janvier est célébré chaque année comme le Jour de la République, une journée de fierté nationale marquée par des défilés militaires à Delhi et dans les capitales des États. Ces cérémonies continuent de rappeler les idéaux fondateurs de la nation, tout en intégrant des éléments modernes, reflétant la place croissante de l’Inde sur la scène mondiale.

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