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NECROLOGIE

Didier Guillaume, mort brutale d’un visionnaire entre la France et Monaco

Le 17 janvier 2025, Didier Guillaume, Ministre d'État de Monaco, est décédé à l'âge de 65 ans, des suites d'une maladie fulgurante. Le Palais princier avait annoncé le 10 janvier qu'il devait subir un traitement médical nécessitant une hospitalisation, l'empêchant d'exercer ses fonctions durant les semaines suivantes. Malgré les soins prodigués au centre hospitalier de Nice, son état de santé s'est rapidement détérioré, conduisant à son décès. Sa disparition soudaine a suscité une vive émotion tant à Monaco qu'en France. Le prince Albert II a salué ses "immenses qualités humaines" et son "engagement remarquable" au service de la Principauté. Le Premier ministre français, François Bayrou, a également rendu hommage à "un humaniste au plein sens du terme". Sa disparition laisse un vide profond dans la sphère politique et administrative, tant en France qu'à Monaco, où il était reconnu pour son engagement et ses compétences au service de la chose publique.

Né le 11 mai 1959 à Bourg-de-Péage, dans la Drôme, Didier Guillaume a grandi dans une famille modeste où le sens du travail et de la solidarité était très présent. Son père était ouvrier dans une usine locale, tandis que sa mère tenait un petit commerce. Ces racines lui ont transmis des valeurs fortes qui guideront son parcours. Enfant curieux et studieux, il démontre très tôt un intérêt pour les questions sociales et politiques, inspiré par les discussions animées dans son entourage familial et les défis quotidiens de sa communauté. Il poursuivra des études en sciences politiques, un choix qui marquera le début de son engagement public.

Didier Guillaume a consacré une grande partie de sa vie à la politique et au service public. Avant de devenir maire de Bourg-de-Péage en 1995, il s'est investi dans plusieurs associations locales, notamment en faveur des jeunes et des travailleurs précaires, démontrant déjà un profond engagement envers sa communauté. Il a également participé à des comités consultatifs visant à améliorer les infrastructures locales, comme les transports et les équipements culturels. Son dévouement envers sa communauté locale l'a conduit à être élu conseiller général du canton de Bourg-de-Péage en 1998, avant de devenir président du conseil général de la Drôme en 2004, un mandat qu'il a exercé jusqu'en 2015.

En 2008, Didier Guillaume accède au poste de sénateur de la Drôme, où il siège jusqu'en 2018. Durant cette période, il assume la présidence du groupe socialiste au Sénat de 2014 à 2018, consolidant ainsi sa réputation d'homme de dialogue et de stratégie politique. Il a joué un rôle essentiel dans la défense des territoires ruraux et des secteurs agricoles en crise, soutenant activement des lois pour améliorer les conditions de vie des agriculteurs et garantir une juste rémunération de leur travail. Parmi ses initiatives, il a été un fervent promoteur de la modernisation des infrastructures agricoles et de la transition écologique dans le secteur. Comme il le disait souvent : « Les agriculteurs sont les garants de notre souveraineté alimentaire et doivent être traités avec le respect qu’ils méritent. » Sa carrière nationale est marquée par des prises de position fortes sur des sujets sociaux et économiques, ainsi que par son engagement en faveur du développement rural et des droits des agriculteurs.

En octobre 2018, il est nommé ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation dans le gouvernement d'Édouard Philippe sous la présidence d'Emmanuel Macron. Durant son mandat, il plaide pour une agriculture durable et des relations équitables entre producteurs et distributeurs. Il initie plusieurs réformes majeures, notamment la loi EGALIM, visant à garantir un revenu décent aux agriculteurs et à réduire les inégalités dans les chaînes d'approvisionnement alimentaires. Sous sa direction, des campagnes de sensibilisation sur l'alimentation saine et locale sont lancées, accompagnées d'investissements accrus dans la recherche agricole pour favoriser l'innovation verte. Comme il l'affirmait lors de l'un de ses discours : « Notre mission est de protéger ceux qui nourrissent la nation tout en préservant nos ressources pour les générations futures. » Il avait également déclaré : « Une agriculture forte, c'est une France forte. Investir dans nos campagnes, c'est investir dans notre avenir collectif. » Il quitte ses fonctions en juillet 2020 pour poursuivre d'autres projets, laissant un héritage marqué dans le secteur agricole.

Le 10 juin 2024, Didier Guillaume est proposé par Emmanuel Macron pour devenir Ministre d'État de Monaco, et il entre en fonction le 2 septembre 2024, accédant ainsi au plus haut poste administratif de la Principauté. Cependant, cette nomination ne s’est pas faite sans réticences. Le prince Albert II, bien que respectueux des qualifications et de l’expérience de Didier Guillaume, émettait des doutes quant à sa capacité à comprendre pleinement les particularités monégasques. Ces préoccupations concernaient notamment la gestion de la relation étroite entre la Principauté et ses résidents, ainsi que les attentes spécifiques de son administration locale. Pour surmonter ces doutes, Didier Guillaume s’est engagé à travailler en étroite collaboration avec le prince et les institutions monégasques pour démontrer son dévouement et sa compréhension des enjeux locaux. Ce rôle lui permet de mettre à profit son expérience politique pour renforcer les relations entre Monaco et les États voisins, tout en s’investissant dans des politiques locales liées à l’environnement, au développement économique et à l’innovation technologique. Sous son mandat, il a également joué un rôle crucial dans la gestion de la relance post-COVID et le positionnement de Monaco comme un acteur clé dans les discussions internationales sur le changement climatique.

Au-delà de sa carrière, Didier Guillaume était un homme apprécié pour sa proximité et son sens de l’écoute. Sa vision pragmatique et son aptitude à bâtir des consensus ont été saluées par ses pairs et les citoyens. Marié à Sophie, une ancienne enseignante passionnée par l’éducation et les causes sociales, il trouvait en elle un soutien indéfectible tout au long de sa carrière. Le couple partageait une relation empreinte de complicité, marquée par des discussions animées sur les enjeux sociaux et politiques. Ensemble, ils ont élevé deux enfants, Mathieu et Clara. Mathieu, économiste, travaille dans le domaine de la finance durable, tandis que Clara, engagée dans l’humanitaire, consacre sa vie à des projets d’éducation en Afrique. Didier Guillaume considérait sa famille comme une source essentielle d’équilibre et trouvait dans leurs succès personnels et professionnels une immense fierté.

La disparition de Didier Guillaume marque la fin d’une trajectoire exemplaire, empreinte de dévouement et d’une volonté inébranlable de servir les intérêts publics. Son héritage politique et humain continuera d'inspirer ceux qui poursuivent son œuvre.

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