ELECTION POLITIQUE CITOYEN

HISTOIRE D'UN JOUR - 13 MARS 1938

L'Autriche engloutie dans la terreur nazie

Le 13 mars 1938, l'Anschluss est proclamé, entérinant l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie. Cet événement, en violation flagrante du traité de Versailles et du traité de Saint-Germain, s'inscrit dans une stratégie expansionniste minutieusement planifiée par Adolf Hitler. L'enthousiasme manifesté par une partie de la population autrichienne contraste avec la brutalité de l'opération et les répercussions internationales qu'elle engendre.

Dès son accession au pouvoir en 1933, Hitler nourrit l'ambition de réaliser l'unification de l'Autriche et de l'Allemagne, prétendant réaliser le vieux rêve pangermaniste qui trouve ses racines dans le XIXe siècle, notamment après l'échec du projet d'une Grande Allemagne lors de la formation de l'Empire allemand en 1871. L'Autriche, fragilisée par des tensions internes entre les partisans de l'indépendance et les soutiens d'une union avec le Reich, est politiquement instable. La montée en puissance des nazis autrichiens, encouragée et financée par Berlin, exacerbe ces divisions. Dès 1934, une tentative de coup d'État nazi aboutit à l'assassinat du chancelier Engelbert Dollfuss, mais échoue à prendre le pouvoir. Son successeur, Kurt Schuschnigg, tente de préserver l'indépendance du pays tout en étant contraint de composer avec une pression allemande croissante. Sous la menace explicite d'une invasion, il tente un ultime sursaut en organisant un référendum sur l'indépendance le 13 mars 1938, dans l'espoir de prouver l'attachement du peuple autrichien à la souveraineté nationale. Mais Hitler, craignant un résultat défavorable, anticipe cette initiative en envoyant ses troupes dans le pays dès le 12 mars, prétextant une invitation des nazis autrichiens.

L'entrée de la Wehrmacht en Autriche se déroule sans résistance militaire, les forces armées autrichiennes ayant reçu l'ordre de ne pas s'opposer aux envahisseurs. Dès les premières heures du 13 mars 1938, les troupes allemandes défilent triomphalement dans les rues de Vienne, où des milliers de partisans les acclament, brandissant des drapeaux nazis et exécutant le salut hitlérien. Cette mise en scène soigneusement orchestrée par la propagande nazie vise à démontrer l'adhésion massive de la population autrichienne à l'unification avec le Reich, bien que cet enthousiasme ne soit pas universel.

Le même jour, Hitler signe le décret officialisant l'Anschluss, intégrant immédiatement l'Autriche au Reich sous le nom d'Ostmark. Un gouvernement nazi, dirigé par Arthur Seyss-Inquart, est installé, et une série de mesures répressives sont immédiatement mises en place. Les opposants politiques, notamment les socialistes, les communistes et les juifs, sont traqués sans délai. La Gestapo, déjà active sur le territoire, procède à des arrestations massives : des milliers de personnes sont envoyées en camp de concentration, notamment à Dachau. Des pogroms éclatent dans plusieurs villes, des commerces juifs sont pillés et détruits, et l’intelligentsia autrichienne hostile au régime est contrainte à l’exil ou réduite au silence.

L’ampleur de la répression est telle que, dès le soir du 13 mars, Vienne est méconnaissable. Les affiches et symboles de l'État autrichien disparaissent, remplacés par les insignes nazis, et les institutions sont immédiatement mises au pas sous la direction de Berlin. Cette annexion, cependant, repose sur une illégalité flagrante. Non seulement elle viole le traité de Versailles de 1919, qui interdisait toute union entre l’Allemagne et l’Autriche, mais elle bafoue également le traité de Saint-Germain signé en 1920, qui réaffirmait cette interdiction et consacrait l'indépendance autrichienne. En outre, elle se fait sans le consentement réel du peuple autrichien, puisque le référendum initialement prévu par Schuschnigg a été annulé sous la pression allemande.

Dès les premières heures suivant l'Anschluss, les autorités nazies imposent leur loi avec brutalité. La population juive, qui comptait près de 200 000 personnes avant l’Anschluss, devient une cible prioritaire du régime, inaugurant une période de persécutions qui culminera avec la Shoah. Les opposants politiques, qu’ils soient socialistes, communistes ou monarchistes, sont immédiatement arrêtés, et la terreur s’installe. Hitler justifie cette annexion en affirmant qu’elle est le fruit de la volonté populaire, mais la violence des méthodes employées démontre le contraire. L'Allemagne nazie impose un référendum le 10 avril 1938 pour légitimer son action, mais celui-ci est organisé sous contrôle strict, avec une propagande massive et l’absence totale de liberté d’expression, garantissant un résultat de 99,7 % en faveur de l’union avec le Reich. L'illégalité de l'Anschluss, manifeste aux yeux du droit international, n’empêche pourtant pas les grandes puissances de rester passives face à cette violation du statu quo européen.

Les réactions internationales restent timorées, révélant l’impuissance et la réticence des grandes puissances à confronter l’Allemagne nazie. La France et le Royaume-Uni, enfermés dans une politique d'apaisement, se contentent de protestations diplomatiques sans aucune action concrète. À Londres, le Premier ministre Neville Chamberlain justifie cette inaction en arguant qu’il s’agit d’une affaire interne allemande et qu’aucune intervention n’est possible sans un consensus international, ce qui revient à abandonner l'Autriche à son sort. En France, malgré l'indignation de certains dirigeants, le gouvernement est paralysé par des crises politiques internes et par la crainte d’une escalade militaire qu’il n’est pas préparé à affronter.

L’Italie de Mussolini, qui s'était jusqu'alors posée en protectrice de l'indépendance autrichienne, abandonne son allié autrichien en raison du rapprochement stratégique avec Hitler. En 1934, Mussolini avait encore massé ses troupes à la frontière pour empêcher un coup de force nazi en Autriche. Mais en 1938, soucieux de préserver l’Axe Rome-Berlin et d’éviter toute confrontation directe avec Hitler, il se contente de valider tacitement l’annexion.

La Société des Nations, pourtant chargée de garantir l’ordre international, se révèle totalement inefficace. Aucune sanction, aucune pression diplomatique sérieuse n’est exercée contre l’Allemagne. Cette inaction envoie un signal clair à Hitler : la communauté internationale n’est pas prête à défendre l’équilibre européen par la force. Conforté dans sa conviction que les démocraties occidentales ne réagiront pas, il accélère son expansionnisme, ce qui mènera directement à la crise des Sudètes quelques mois plus tard, puis au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en 1939.

L'Anschluss de 1938 marque ainsi un tournant majeur dans l'histoire de l'Europe. Il symbolise l'échec des démocraties occidentales à freiner la montée en puissance de l'Allemagne nazie et préfigure l'agression contre la Tchécoslovaquie en 1939. Pour l'Autriche, il signifie la disparition de son indépendance jusqu'en 1945 et le début d'une période sombre marquée par la collaboration avec le régime nazi et la participation à ses crimes de guerre. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale que l'Autriche recouvrera son statut d'État souverain, non sans difficultés et sans débat sur sa responsabilité dans les années du Troisième Reich.

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