ELECTION POLITIQUE CITOYEN

HISTOIRE

28 avril 1969. De Gaulle, la chute d'un géant

Contexte historique et politique avant la démission

La fin des années 60 en France est marquée par une période de grands bouleversements sociaux et politiques, dont l'épicentre est sans doute les événements de Mai 68. Ce mouvement de révolte étudiant, qui s'est rapidement étendu aux ouvriers et à d'autres couches de la société, a constitué une remise en question profonde des structures traditionnelles et autoritaires de la société française. Face à ces turbulences, le président Charles de Gaulle, figure emblématique de la République depuis la Libération et la fondation de la Cinquième République en 1958, va voir son autorité fortement contestée.

Charles de Gaulle avait instauré un système politique qui centralisait le pouvoir exécutif, renforçant significativement la position du président. Toutefois, Mai 68 a révélé des fissures dans ce modèle, exposant un besoin criant de réforme et de dialogue social plus ouvert. Malgré une tentative de dissolution de l'Assemblée nationale et l'organisation de nouvelles élections législatives en juin 1968, qui ont vu la majorité gaulliste renforcée, le général de Gaulle ressentait une insatisfaction quant à sa capacité à gouverner comme auparavant.

En réponse à cette crise de légitimité, de Gaulle lance l'idée d'un référendum en 1969, portant sur la réforme du Sénat et la régionalisation, dans l'espoir de renouveler son mandat par un soutien populaire direct. Cependant, ce choix s'avère risqué. Le climat politique est volatile : l'opposition de gauche, renforcée par son nouveau rôle de porte-parole des frustrations publiques, critique vivement la proposition, la jugeant insuffisante et décalée par rapport aux demandes de démocratisation plus radicale de la société.

L'annonce du référendum est donc perçue comme un pari politique majeur pour de Gaulle, qui y voit une manière de reprendre la main et de confirmer son leadership. Cependant, ce geste, loin de calmer la situation, va plutôt cristalliser les tensions. De Gaulle est alors perçu par une partie de la population comme un vestige d'un ancien monde, de plus en plus en décalage avec les aspirations d'une France qui vient de vivre l'une des plus grandes crises sociales de son histoire post-guerre.

Ainsi, avant même la tenue du référendum de 1969, le terrain est miné. La France de l'après-Mai 68 est une nation en pleine réflexion sur son avenir, tiraillée entre un désir de renouveau démocratique et les résistances d'une structure politique qui semble s'accrocher aux méthodes du passé. De Gaulle, malgré sa stature historique, va se retrouver isolé dans cette lutte, marquant ainsi les prémices de sa démission inévitable.

Référendum de 1969 et ses enjeux

Le 27 avril 1969, les Français sont appelés aux urnes pour se prononcer sur un référendum proposé par le président Charles de Gaulle. Ce référendum porte sur la réforme du Sénat et la régionalisation, deux sujets qui, selon de Gaulle, sont essentiels pour moderniser la France et rendre son système politique plus efficace et plus proche des citoyens. Cependant, ce référendum est aussi un pari politique risqué pour de Gaulle, qui y voit une manière de renforcer sa légitimité affaiblie par les événements tumultueux de Mai 68.

La réforme du Sénat proposée vise à transformer cette institution en un organe plus représentatif et moins conservateur. De Gaulle critique depuis longtemps le Sénat pour son conservatisme et son opposition aux réformes nécessaires. La deuxième partie du référendum, la régionalisation, est conçue pour décentraliser le pouvoir administratif et donner plus d'autonomie aux régions françaises, dans le but d'améliorer l'efficacité gouvernementale et de répondre aux demandes locales de manière plus directe.

Ces propositions sont présentées par de Gaulle comme cruciales pour l'avenir de la France, mais elles sont accueillies avec scepticisme par de nombreux secteurs de la société. Les partis de gauche, en particulier, voient dans ce référendum une tentative du président de consolider son pouvoir sous couvert de réformes institutionnelles. Ils critiquent les mesures comme étant superficielles et insuffisantes pour répondre aux véritables enjeux démocratiques révélés par les récentes crises sociales.

Le débat autour du référendum devient rapidement polarisé. D'un côté, les partisans de de Gaulle, principalement dans son propre parti, l'Union des Démocrates pour la République (UDR), défendent le référendum comme une étape nécessaire vers une modernisation politique. De l'autre, l'opposition, menée par François Mitterrand et le Parti Socialiste, organise une campagne active pour le "non", arguant que les réformes proposées ne vont pas assez loin et ne font que perpétuer le statu quo.

Dans ce contexte tendu, le référendum est aussi vu par beaucoup comme un vote de confiance en de Gaulle lui-même. Le président avait clairement lié l'issue du vote à son avenir politique, déclarant qu'une défaite le contraindrait à démissionner. Cette déclaration transforme le référendum en un plébiscite sur de Gaulle, plutôt qu'un vote sur les mérites spécifiques des réformes proposées.

Le jour du vote, la tension est palpable. Les résultats révèlent une France divisée : 52,41 % des votants rejettent les propositions de de Gaulle. L'échec est perçu non seulement comme un rejet des réformes, mais aussi comme un désaveu personnel du président. De Gaulle, fidèle à sa promesse, annonce sa démission dès le lendemain, le 28 avril 1969.

Cet échec du référendum marque un tournant crucial dans l'histoire politique française. Non seulement il met fin à l'ère de Gaulle, mais il ouvre également la voie à une nouvelle génération de politiques et à des réformes qui façonneront la France des décennies suivantes. Le "non" au référendum est ainsi une expression claire du désir de changement et d'une approche différente à la gouvernance, qui sera progressivement mise en œuvre par les successeurs de de Gaulle.


Démission et motivations

Le 28 avril 1969 reste une date gravée dans l'histoire de la France comme le jour où le général Charles de Gaulle, figure emblématique de la résistance française et fondateur de la Cinquième République, annonce sa démission de la présidence de la République. Cette décision radicale fait suite à l'échec du référendum qu'il avait initié, marquant ainsi la fin de dix années de gouvernance gaulliste, période durant laquelle il avait profondément marqué la politique française.

La démission de de Gaulle n'est pas seulement le résultat d'un référendum perdu ; elle est aussi l'aboutissement de tensions croissantes et d'un isolement politique progressif. Malgré son statut de héros national, de Gaulle ressentait une déconnexion croissante avec les nouvelles générations et les dynamiques sociales qui traversaient la France. Les événements de Mai 68 avaient déjà sérieusement ébranlé sa confiance en sa capacité à unir et à diriger le pays selon les principes qui avaient guidé sa politique jusque-là.

En choisissant de lier le résultat du référendum à son maintien au pouvoir, de Gaulle posait un ultimatum clair : soit le soutien du peuple à sa vision de la France, soit son retrait. Cette démarche reflète sa conception de la politique, fondée sur la légitimité directe du peuple. De Gaulle n'a jamais caché son mépris pour les jeux politiques et les manœuvres parlementaires qu'il considérait comme des entraves à l'exercice d'une volonté nationale claire. Le référendum était donc pour lui une forme de plébiscite, un moyen de mesurer directement cette volonté.

La réponse négative du référendum a été un choc, mais pas une surprise totale pour de Gaulle. Les sondages préalables au vote indiquaient déjà une opposition significative aux réformes proposées. Cependant, fidèle à son engagement et à son interprétation stricte du mandat populaire, il n'a pas hésité à tirer les conséquences de ce rejet. Dans son allocution télévisée, de Gaulle a déclaré simplement : "Je cesse d'exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd'hui à midi." Par ces mots, il confirmait son départ sans ambiguïté, laissant la France dans une période d'incertitude politique.

La rapidité et la simplicité de sa démission sont représentatives du personnage de de Gaulle : un homme d'État guidé par des principes et une vision claire de son rôle. Il n'a jamais envisagé de se maintenir au pouvoir sans un mandat clair de la population. Sa décision de démissionner, bien que dramatique, était donc en parfaite cohérence avec ses convictions personnelles sur le leadership et la responsabilité politique.

Cette démission a ouvert une nouvelle ère pour la France, celle de l'après-de Gaulle, marquée par une évolution significative des pratiques politiques et un rééquilibrage des institutions. Elle a également permis de relancer le débat sur la modernisation du pays et la nécessité de réformes plus profondes, débat qui avait été quelque peu éclipsé par la forte personnalité et le style autoritaire de de Gaulle.

Conséquences et réactions suite à sa démission

La démission soudaine de Charles de Gaulle le 28 avril 1969 a laissé un vide significatif dans le paysage politique français et a déclenché une série de réactions et de conséquences immédiates, tant au niveau national qu'international. Cette décision a non seulement clôturé un chapitre important de l'histoire de France mais a également ouvert une période de réflexion et de transition vers une nouvelle ère politique.

Sur le plan national, la démission de de Gaulle a entraîné une période d'incertitude politique. En vertu de la Constitution de la Cinquième République, le président du Sénat, Alain Poher, a assumé l'intérim de la présidence. Poher était perçu comme une figure moins polarisante que de Gaulle, et son mandat temporaire a aidé à stabiliser le climat politique. Néanmoins, la nécessité d'organiser rapidement de nouvelles élections présidentielles a plongé les partis politiques dans une course pour restructurer leurs stratégies et choisir leurs candidats.

L'élection présidentielle qui a suivi a été remportée par Georges Pompidou, un proche de de Gaulle et ancien Premier ministre, en juin 1969. La victoire de Pompidou a été interprétée comme un désir de continuité dans certaines politiques gaullistes, mais avec une approche peut-être plus conciliante et ouverte aux réformes économiques et sociales nécessaires. Sous Pompidou, des réformes importantes ont été entreprises, notamment la modernisation de l'industrie et l'expansion de l'infrastructure, continuant ainsi certaines initiatives commencées sous de Gaulle mais avec un style moins autoritaire.

Du côté de la vie privée de Charles de Gaulle après sa démission, il s'est retiré dans la discrétion à Colombey-les-Deux-Églises, loin de l'agitation politique. Dans sa résidence de La Boisserie, de Gaulle a consacré son temps à écrire ses Mémoires, à réfléchir sur son parcours et à observer avec une certaine distance les évolutions de la France. Ce retrait volontaire était en adéquation avec sa nature indépendante et sa conception de la politique, où le devoir passe avant tout désir de pouvoir personnel.

Sur le plan international, la démission de de Gaulle a été largement couverte par les médias mondiaux, qui y ont vu la fin d'une époque marquée par une forte présence française sur la scène internationale. De Gaulle avait joué un rôle crucial dans la consolidation de l'indépendance nationale, notamment en retirant la France du commandement intégré de l'OTAN et en développant un programme nucléaire indépendant. Son départ a soulevé des questions sur la continuité de ces politiques, surtout avec l'arrivée de Pompidou, considéré comme plus ouvert aux collaborations européennes et transatlantiques.

Enfin, la mort de Charles de Gaulle le 9 novembre 1970, un peu plus d'un an après sa démission, a marqué définitivement la fin d'une ère. Son décès a été l'occasion pour la France de réévaluer l'ensemble de son héritage, souvent source de clivages politiques. Malgré les critiques sur certaines de ses méthodes, de Gaulle reste une figure centrale de l'histoire moderne française, un symbole de résistance et de rénovation nationale.
 

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