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HISTOIRE

9 mai 1946, le Roi fasciste Victor Emmanuel III d'Italie abdique après 46 ans de règne

Le règne de Victor Emmanuel III d'Italie, qui s'étend de 1900 à 1946, incarne une période de profondes transformations et de turbulences pour l'Italie, marquée par des guerres, des crises politiques et des changements sociaux radicaux. Ascendant au trône à la suite de l'assassinat de son père, Umberto I, Victor Emmanuel III hérite d'un pays encore jeune, l'Italie s'étant unifiée seulement quelques décennies auparavant en 1861. Sa longue domination va voir l'Italie se moderniser mais aussi traverser des périodes de grande instabilité.

Sa gouvernance commence dans un contexte européen tendu, précédant de peu la Première Guerre mondiale. La neutralité initiale de l'Italie dans ce conflit est vite remplacée par une participation aux côtés de l'Entente en 1915, une décision motivée par les promesses d'agrandissements territoriaux aux dépens de l'Empire Austro-Hongrois. La guerre se termine par une victoire amère pour l'Italie, avec un coût humain élevé et des gains territoriaux qui ne répondent pas aux attentes nationales, engendrant une période de mécontentement et de troubles économiques.

C'est dans ce climat de désillusion que le fascisme prend racine. Victor Emmanuel III joue un rôle controversé à cet égard. En 1922, alors que les fascistes, sous la direction de Benito Mussolini, menacent de marcher sur Rome, le roi choisit de ne pas mobiliser l'armée contre eux, facilitant ainsi l'ascension de Mussolini au pouvoir. Cette décision est souvent interprétée comme un acte de faiblesse ou de complicité, contribuant à l'installation d'un régime totalitaire qui va marquer l'Italie pour les décennies suivantes.

Sous le régime fasciste, Victor Emmanuel III reste une figure de continuité, bien qu'il devienne de plus en plus une marionnette dans les mains de Mussolini. Son rôle pendant cette période est complexe : il est à la fois un symbole de la stabilité et de la légitimité historique pour Mussolini, et en même temps, il est critiqué pour son manque de résistance contre les excès du fascisme, y compris l'adoption des lois raciales en 1938.

La Seconde Guerre mondiale est un autre moment décisif de son règne. L'Italie, alliée à l'Allemagne nazie, subit de lourdes pertes et des revers militaires constants. Face à l'invasion alliée de l'Italie et à la chute imminente du fascisme, Victor Emmanuel III prend finalement une décision cruciale en 1943 : il fait arrêter Mussolini, tentant ainsi de distancer la monarchie du régime discrédité et de négocier une paix séparée avec les Alliés.

Cette action, bien que tardive, montre une tentative de rédemption de sa part et une reconnaissance des erreurs passées. Néanmoins, l'impact de sa décision de 1922 de permettre à Mussolini de prendre le pouvoir pèse lourdement sur son héritage. Cette époque de l'histoire italienne, dominée par le fascisme, a profondément marqué la société italienne et a eu des répercussions qui se feront sentir bien après la fin de son règne.

En choisissant de ne pas s'opposer à Mussolini initialement et en coopérant avec le régime fasciste pendant de nombreuses années, Victor Emmanuel III a contribué à légitimer un gouvernement qui a mené l'Italie vers une guerre désastreuse et imposé des lois inhumaines. Son règne, bien qu'il ait commencé dans un esprit de modernisation et d'expansion, se termine ainsi dans l'ombre du fascisme, illustrant tragiquement les dangers de la complicité et du manque de courage politique face à des forces destructrices. 

Tout cela compose un contexte complexe et souvent contradictoire qui précède et explique l'inévitable abdication de 1946, un acte qui marque non seulement la fin de son règne mais aussi le début d'une ère de profondes réflexions et de réformes pour l'Italie, désireuse de se reconstruire et de se redéfinir dans un monde d'après-guerre.

Le jour de l'abdication

Le 9 mai 1946 marque une journée cruciale non seulement pour le destin de la monarchie italienne, mais aussi pour celui de Victor Emmanuel III, un roi qui a traversé des décennies de bouleversements majeurs. Cette journée d'abdication représente l'apogée de sa carrière royale, ainsi qu'un tournant pour l'Italie elle-même, qui allait bientôt voter pour se défaire de sa monarchie bicentenaire.

Depuis l'aube, le palais royal est le théâtre d'une activité inhabituelle. Les conseillers du roi, les membres de la famille royale et quelques dignitaires triés sur le volet se réunissent dans les salles ornées, où résonne un sentiment de fin d'une ère. Victor Emmanuel III, conscient du poids de sa décision, se prépare à abdiquer après presque un demi-siècle sur le trône. Cette décision est le résultat d'une longue période de réflexion et de pression tant interne qu'externe. La défaite de l'Axe et la chute du fascisme ont laissé l'Italie exsangue, et la monarchie est de plus en plus vue comme un reliquat d'un passé autoritaire et déconnecté.

En fin de matinée, Victor Emmanuel convoque son fils, le prince héritier Umberto, pour lui transmettre les pouvoirs royaux. L'atmosphère est solennelle, presque funèbre. Les témoins de cette transmission de pouvoir décrivent une scène chargée d'émotion, où un père vieillissant passe le flambeau à son fils dans l'espoir de préserver la dynastie savoyarde et de permettre à la monarchie de se réformer et de survivre dans une Italie profondément changée.

Après la cérémonie d'abdication, Victor Emmanuel III s'adresse à quelques proches collaborateurs et membres de la famille royale. Il exprime ses regrets pour certaines décisions prises pendant son règne, notamment son incapacité à s'opposer plus fermement à Mussolini lorsque cela aurait pu changer le cours de l'histoire italienne. Cependant, il espère que son abdication sera vue comme un acte de sacrifice pour le bien de la nation, permettant une transition plus douce vers un nouveau système de gouvernement.

Dans l'après-midi, alors que la nouvelle de son abdication commence à se répandre, Victor Emmanuel se prépare à quitter le palais pour l'exil. Il choisit l'Égypte comme lieu de retraite, un pays qui offre un refuge loin des tensions politiques de l'Europe d'après-guerre. Ses derniers moments en Italie sont empreints de mélancolie et de résignation. Il quitte le palais non en tant que roi, mais en tant qu'homme âgé, fatigué par les épreuves d'une vie passée au sommet d'une nation en crise.

Le départ de Victor Emmanuel III du sol italien est discret et sans cérémonie officielle. Ce choix reflète son désir de ne pas attirer l'attention sur sa personne à un moment où le pays doit se concentrer sur sa reconstruction et son avenir démocratique. C'est ainsi que se termine le règne de Victor Emmanuel III, dans un silence qui contraste fortement avec les tumultes et les fanfares de son accession au trône près d'un demi-siècle auparavant. Cette journée d'abdication est non seulement la fin d'un règne mais aussi le début d'une nouvelle ère pour l'Italie, une ère qui sera officiellement inaugurée avec la proclamation de la République le mois suivant.

Répercussions immédiates

L’abdication de Victor Emmanuel III le 9 mai 1946 et son départ pour l’exil ne signifiaient pas seulement la fin d’un règne, mais aussi l’amorce d’une transformation profonde pour l’Italie. Cette transition de la monarchie à la république, amorcée par son geste, a ouvert la voie à un moment décisif : le référendum du 2 juin 1946, où les Italiens ont été appelés à voter non seulement pour une nouvelle Assemblée constituante mais aussi sur la forme de gouvernement de leur pays.

Le mois qui sépare l’abdication du référendum est marqué par une intense activité politique et une mobilisation significative des différentes forces politiques italiennes. Les partisans de la république, menés par des figures comme Alcide De Gasperi et Palmiro Togliatti, saisissent ce moment pour intensifier leurs campagnes, promouvant une vision de renouveau et de rupture avec le passé autoritaire. Ils dépeignent la monarchie comme un vestige des erreurs et des compromissions de l’ère fasciste, soulignant la nécessité d’une nouvelle Italie fondée sur des principes démocratiques et républicains.

La réaction publique à l’abdication est partagée. Une partie de la population, surtout dans les régions urbaines et industrialisées du nord, voit dans ce changement une opportunité pour une refondation politique et sociale du pays. En revanche, dans certaines régions rurales et notamment dans le sud, la figure du roi reste liée à une certaine stabilité et à une continuité historique, et son abdication est accueillie avec une certaine appréhension.

Le résultat du référendum est une victoire claire pour les républicains, avec 54% des voix en faveur de l'abolition de la monarchie. Cette décision marque non seulement la fin définitive de la monarchie italienne mais inaugure aussi une période de profonde reconstruction institutionnelle et politique. L’Italie, sous la nouvelle république, commence à se reconstruire, avec l’adoption d’une nouvelle constitution en 1948 qui établit un cadre démocratique robuste et moderne, largement inspiré par les principes de liberté, de justice et de participation citoyenne.

La transition de la monarchie à la république ne se fait pas sans heurts. Les mois suivant l’abdication et le référendum sont marqués par une certaine instabilité politique, avec des débats houleux au sein de l'Assemblée constituante et des tensions entre les différents partis politiques sur la direction à donner au nouveau gouvernement. Néanmoins, l’Italie montre une résilience remarquable, avec un engagement croissant de la part des citoyens dans les processus politiques et une volonté de tourner la page sur le passé fasciste.


Évaluation du règne

L'évaluation du règne de Victor Emmanuel III est complexe et nuancée, oscillant entre des époques de progrès et des périodes sombres marquées par des choix controversés. Devenu roi en 1900, il a hérité d'une nation encore jeune, ayant achevé son unification moins de quarante ans auparavant. Sous son règne, l'Italie a connu des avancées significatives, notamment en termes d'industrialisation et de modernisation. Cependant, ces progrès sont souvent éclipsés par ses actions pendant et après l'ascension du fascisme.

Victor Emmanuel III a été un monarque constitutionnel, mais son rôle pendant les années cruciales du fascisme a grandement affecté la perception de son règne. Sa décision en 1922 de confier le pouvoir à Benito Mussolini, lors de la Marche sur Rome, est l'une des plus critiquées. À ce moment-là, le roi avait le choix d'utiliser l'armée pour bloquer les fascistes ou de nommer Mussolini comme Premier ministre. Son choix de favoriser Mussolini a été perçu par beaucoup comme une tentative de stabilisation qui a tragiquement mal tourné, facilitant la montée d'un régime totalitaire qui allait plonger l'Italie dans la guerre et la répression.

Durant les deux décennies de régime fasciste, Victor Emmanuel III a maintenu une position largement passive, ce qui a permis à Mussolini de consolider son pouvoir. Ce n'est qu'en 1943, avec l'Italie dévastée par la guerre et l'invasion alliée imminente, que le roi prend la décision de faire arrêter Mussolini, un acte vu trop tard par beaucoup comme une tentative de sauver ce qui restait de la monarchie et de sa propre réputation.

L'abdication en 1946, alors que le référendum républicain approchait, peut être vue comme un geste de désespoir pour préserver la dynastie par le biais de son fils, Umberto II. Toutefois, cela n'a pas suffi à changer l'opinion publique, qui était majoritairement fatiguée et méfiante envers la monarchie à cause des associations avec le fascisme et les échecs de la guerre.

L'analyse de son règne ne peut ignorer ses implications dans les politiques qui ont mené à la Seconde Guerre mondiale et à la persécution des Juifs et autres minorités sous les lois raciales fascistes. Cependant, certains historiens soulignent également sa position difficile en tant que monarque constitutionnel dans une époque de crises extrêmes, suggérant que ses options étaient peut-être plus limitées qu'il n'y paraît.

En définitive, l'héritage de Victor Emmanuel III reste celui d'un roi qui a vu l'Italie se transformer radicalement, mais qui a aussi été complice, par action ou par inaction, dans certains des chapitres les plus sombres de l'histoire moderne italienne. Son abdication et la fin de la monarchie peuvent être interprétées comme la reconnaissance finale des échecs de sa propre administration et de la monarchie elle-même à s'adapter et à répondre aux besoins et aux désirs d'un peuple en évolution rapide vers la démocratie et la modernité après la guerre. Son départ en exil symbolise ainsi non seulement la fin d'une époque, mais aussi une tentative de permettre à l'Italie de repartir sur de nouvelles bases, libérée des poids de son passé monarchique et fasciste.

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