DEBAT

Le Zimbabwe vers l'abolition de la peine de mort

Contexte tumultueux avant le projet de loi

Le Zimbabwe, pays à l'histoire politique complexe et tumultueuse, se trouve aujourd'hui à un tournant décisif de sa législation pénale. Le débat sur l'abolition de la peine de mort, qui a refait surface avec vigueur en 2023, remonte à bien plus loin, reflétant les changements profonds dans la perception des droits humains au sein de la nation.

Historiquement, la peine de mort a été inscrite dans la législation du Zimbabwe dès l'époque coloniale. Bien que le pays ait obtenu son indépendance en 1980, la peine capitale est restée en vigueur, appliquée pour les crimes les plus graves, notamment les meurtres avec circonstances aggravantes. Toutefois, le dernier prisonnier exécuté remonte à 2005, depuis lors, un moratoire de facto a été observé.

Le Président Emmerson Mnangagwa, figure clé dans ce débat, a une histoire personnelle qui influe sur sa position abolitionniste. Condamné à mort dans les années 1960 pour son rôle dans la lutte de libération, il échappa à l'exécution en raison de son jeune âge. Cette expérience a marqué son aversion pour la peine capitale, qu'il considère comme une pratique archaïque et inhumaine. Depuis son accession à la présidence, Mnangagwa a activement plaidé pour l'abolition de la peine de mort, alignant ses vues avec celles des défenseurs des droits humains.

En décembre 2023, le projet de loi d'abolition de la peine de mort a été officiellement publié, visant à créer une nouvelle législation qui interdirait explicitement cette pratique. Ce projet, introduit par le député Edwin Mushoriwa, a été soutenu par une coalition bipartisane, incluant des membres du parti au pouvoir, le Zanu-PF. Cette rare unité politique a été perçue comme un signe positif pour l'avenir du projet de loi.

Le projet de loi propose de supprimer toutes les références à la peine de mort dans les textes législatifs, les remplaçant par des peines de réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. De plus, il prévoit la révision des peines des détenus actuellement condamnés à mort, afin de les aligner sur les nouvelles dispositions légales. Cependant, le projet de loi a rencontré des obstacles juridiques, notamment un rapport défavorable de la Commission parlementaire législative, qui a jugé certaines de ses dispositions incompatibles avec la Constitution du Zimbabwe.

La Constitution actuelle, tout en protégeant le droit à la vie, permet la peine de mort pour les meurtres dans des circonstances aggravantes. La Commission parlementaire a souligné que pour aligner pleinement la législation avec la Constitution, une modification constitutionnelle serait nécessaire. Cela a conduit à des débats animés au sein du Parlement, où les partisans et les opposants de la peine de mort ont exprimé leurs points de vue avec vigueur.

Parallèlement, des consultations nationales ont été menées pour évaluer l'opinion publique sur cette question sensible. Les résultats de ces consultations ont montré un soutien majoritaire à l'abolition, reflétant un changement significatif dans les attitudes sociales envers la peine de mort. Les défenseurs des droits humains, tant nationaux qu'internationaux, ont également exercé une pression constante pour mettre fin à cette pratique, la qualifiant de violation des droits fondamentaux.

Le Zimbabwe est à un moment crucial de son histoire législative. Le chemin vers l'abolition de la peine de mort est semé d'embûches juridiques et politiques, mais le soutien croissant à cette initiative, tant au sein du gouvernement qu'au sein de la société civile, laisse entrevoir la possibilité d'un changement durable et significatif dans le système de justice pénale du pays.


Décryptage du projet de loi pour l'abolition

Le projet de loi d'abolition de la peine de mort au Zimbabwe, officiellement publié en décembre 2023, marque une étape cruciale dans l'évolution du système judiciaire du pays. Ce projet de loi, soutenu par une coalition bipartisane au Parlement, vise à éradiquer définitivement la peine de mort du cadre légal zimbabwéen.

L'initiative de ce projet de loi revient au député Edwin Mushoriwa, qui a introduit cette proposition dans un contexte de soutien croissant à l'abolition de la peine de mort. La loi actuelle permet encore aux tribunaux d'imposer la peine capitale pour les meurtres commis dans des circonstances aggravantes, bien que le pays n'ait procédé à aucune exécution depuis 2005. La nouvelle législation vise à supprimer toutes les références à la peine de mort dans les textes législatifs et à les remplacer par des peines de réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle.

Le projet de loi comprend plusieurs clauses spécifiques qui abordent différents aspects de la législation actuelle. La clause 2, par exemple, interdit explicitement à tout tribunal d'imposer la peine de mort et exige que la Cour suprême substitue toute peine capitale par une autre sanction appropriée en cas d'appel. La clause 3 modifie le Criminal Procedure and Evidence Act en supprimant les sections qui décrivent comment la peine de mort doit être imposée et exécutée. De plus, la clause 4 retire toute référence à la peine de mort du Genocide Act, alignant ainsi cette législation avec la Constitution, qui interdit la peine de mort pour des crimes ne relevant pas de circonstances aggravantes de meurtre.

L'approbation par le cabinet du président Emmerson Mnangagwa en janvier 2024 a été un tournant décisif pour ce projet de loi. Mnangagwa, un fervent opposant à la peine de mort, a souvent évoqué sa propre expérience de condamnation à mort dans les années 1960, dont il a échappé en raison de son jeune âge, pour justifier sa position abolitionniste. Le soutien du cabinet a ouvert la voie à un débat parlementaire fluide, sans obstacles majeurs de la part du ministère de la Justice

Cependant, le projet de loi a rencontré des obstacles juridiques. La Commission parlementaire législative (PLC) a publié un rapport défavorable, arguant que certaines dispositions du projet étaient incompatibles avec la Constitution. La Constitution du Zimbabwe, bien qu'elle protège le droit à la vie, permet aux tribunaux d'imposer la peine de mort dans des cas spécifiques de meurtre aggravé. Pour aligner le projet de loi avec la Constitution, des modifications sont nécessaires, notamment une révision pour le transformer en projet de modification constitutionnelle si nécessaire.

Le projet de loi a également suscité des débats passionnés au sein du Parlement. Les partisans de l'abolition, comme Mushoriwa, ont souligné que la Constitution ne rend pas la peine de mort obligatoire mais permissive, et ont proposé de modifier la législation pour éviter toute contradiction constitutionnelle. En revanche, certains députés ont défendu la peine de mort comme une mesure dissuasive essentielle pour les crimes les plus graves, insistant sur le besoin de justice et de protection des victimes.

Le projet de loi d'abolition de la peine de mort au Zimbabwe représente un effort significatif pour moderniser et humaniser le système judiciaire du pays. Si le projet de loi est adopté, il signifiera une avancée majeure pour les droits humains au Zimbabwe, alignant le pays avec d'autres nations africaines qui ont déjà aboli la peine de mort.


Les points de vue contrastés des partis politiques

Le débat sur l'abolition de la peine de mort au Zimbabwe a suscité des réactions contrastées parmi les principaux partis politiques du pays. Cette diversité d'opinions reflète à la fois les valeurs traditionnelles et les aspirations modernes de la société zimbabwéenne.

Le parti au pouvoir, Zanu-PF, a montré un soutien significatif à l'abolition de la peine de mort, alignant ses positions sur celles du président Emmerson Mnangagwa. Mnangagwa, qui a lui-même été condamné à mort dans sa jeunesse, est un fervent défenseur de l'abolition. Ce soutien est considéré comme un geste vers la modernisation du système judiciaire et l'alignement sur les normes internationales en matière de droits humains. Le ministre de la Justice, Ziyambi Ziyambi, a salué l'unité des parlementaires dans cette initiative, soulignant que cette collaboration pourrait renforcer la nation et prévenir les abus de pouvoir.

Cependant, il y a des voix dissidentes au sein de Zanu-PF et parmi d'autres partis, qui estiment que la peine de mort est un outil dissuasif essentiel. Ils avancent que la peur de la peine capitale pourrait réduire le taux de crimes graves, notamment les meurtres. Ces partisans de la peine de mort voient en elle une forme de justice pour les familles des victimes et un moyen de protéger la société contre les criminels récidivistes.

Le principal parti d'opposition, le Citizens Coalition for Change (CCC), représenté par des figures comme Edwin Mushoriwa, a été à l'avant-garde du mouvement pour l'abolition. Mushoriwa, qui a introduit le projet de loi, a argumenté que la peine de mort est contraire aux valeurs fondamentales des droits humains et qu'elle n'a pas prouvé son efficacité en tant que mesure dissuasive. Le CCC met en avant l'importance de réformes législatives qui respectent la dignité humaine et prévoient des peines de réclusion à perpétuité comme alternative.

Amnesty International a également joué un rôle clé en exhortant les partis politiques à soutenir l'abolition de la peine de mort. L'organisation a lancé un manifeste appelant à la fin des disparitions forcées et à la protection des droits humains, incitant les partis à inclure ces engagements dans leurs programmes électoraux. Amnesty International a souligné l'importance de s'aligner sur les traités internationaux et régionaux de droits humains, soulignant que l'abolition de la peine de mort serait un pas important vers l'amélioration du cadre juridique et des droits humains au Zimbabwe.

Le débat sur l'abolition de la peine de mort au Zimbabwe révèle une mosaïque d'opinions parmi les partis politiques. Tandis que certains voient cette mesure comme un progrès nécessaire vers une justice plus humaine et conforme aux normes internationales, d'autres la perçoivent comme une perte d'un outil crucial de dissuasion. Le sort de ce projet de loi dépendra de la capacité des législateurs à trouver un terrain d'entente qui respecte à la fois les valeurs traditionnelles et les aspirations modernes du Zimbabwe.


L'opinion publique : entre tradition et modernité

Le débat sur l'abolition de la peine de mort au Zimbabwe a suscité de vives réactions parmi la population, reflétant une variété de perspectives influencées par des facteurs culturels, sociaux et économiques. Les consultations publiques menées par le Parlement de Zimbabwe de mai à juin 2024 ont permis de recueillir les opinions des citoyens à travers le pays, offrant un aperçu des sentiments partagés sur cette question cruciale.

Les résultats des consultations indiquent une tendance générale en faveur de l'abolition de la peine de mort. Un sondage réalisé en 2017 par le Death Penalty Project révélait que bien que 56% des répondants soutenaient la peine de mort, 80% d'entre eux accepteraient son abolition si le gouvernement en décidait ainsi. Cette nuance souligne que beaucoup de Zimbabwéens ne sont pas fermement attachés à la peine de mort et seraient ouverts à des alternatives. Une enquête de 2020 auprès des leaders d'opinion, commandée par le même projet en partenariat avec Veritas, montrait que 90% des personnes interrogées, y compris des leaders religieux, étaient favorables à l'abolition de la peine de mort.

Parmi les défenseurs de l'abolition, on trouve des personnalités influentes comme le président Emmerson Mnangagwa, lui-même ancien condamné à mort durant la lutte de libération. Sa position abolitionniste, soutenue par son expérience personnelle, a joué un rôle significatif dans l'avancement du débat. Les chefs traditionnels et les religieux ont également exprimé leur opposition à la peine de mort, la considérant comme une pratique non africaine et un vestige de l'époque coloniale.

Cependant, il existe une fraction notable de la population qui soutient la peine de mort, particulièrement dans les cas de crimes graves. Le cas de Jaison Muvevi, un ancien policier accusé de plusieurs meurtres, a ravivé le débat. Beaucoup ont réclamé sa condamnation à mort, voyant en cette peine une justice pour les victimes et un moyen de dissuasion contre les crimes futurs. Malgré cela, des arguments moraux et religieux contre la peine de mort ont également émergé, soulignant le dilemme complexe que représente cette question pour la société zimbabwéenne.

Les avis des Zimbabwéens reflètent une diversité de perspectives, influencées par des expériences personnelles, des croyances culturelles et religieuses, ainsi que par des considérations pratiques sur l'efficacité de la peine de mort en tant que mesure dissuasive. Les consultations publiques ont démontré que, bien que divisée, une majorité significative de la population est prête à envisager des alternatives à la peine capitale, marquant une possible évolution vers des réformes législatives plus humanitaires.


 

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