ELECTION POLITIQUE CITOYEN

HISTOIRE

4 mai 1990, la Lettonie se lève contre l'URSS

Les prémices de l'indépendance

La déclaration d'indépendance de la Lettonie le 4 mai 1990 ne fut pas un événement isolé, mais le point culminant d'une série de mouvements nationaux et de changements politiques significatifs dans toute l'Europe de l'Est. Au cours des années 1980, la Lettonie, comme ses voisins baltes, l'Estonie et la Lituanie, a connu un réveil national marqué par une quête croissante de souveraineté et d'autonomie face à l'Union soviétique.

L'origine de ce mouvement peut être tracée jusqu'au milieu des années 1980, lorsque Mikhail Gorbatchev, leader de l'Union soviétique, introduisit les politiques de perestroïka (restructuration) et de glasnost (transparence). Ces réformes visaient à revitaliser l'économie soviétique et à ouvrir le système politique, mais elles eurent aussi pour effet non intentionnel de stimuler les aspirations nationales dans plusieurs républiques soviétiques, dont la Lettonie.

En Lettonie, ces aspirations furent d'abord portées par des groupes intellectuels et artistiques qui se regroupèrent autour de diverses initiatives culturelles et historiques. Le festival de la chanson lettone, par exemple, devint un lieu de manifestation implicite de la fierté nationale et de l'identité lettone. En 1987, la formation du Front populaire de Lettonie marqua une étape décisive dans la mobilisation politique contre l'hégémonie soviétique. Ce mouvement, qui rassemblait une large coalition de partis et de groupes de la société civile, prônait des réformes démocratiques et une plus grande autonomie au sein de l'URSS.

L'année 1989 fut particulièrement significative, car elle vit la première "Voie balte", où environ deux millions de personnes se donnèrent la main pour former une chaîne humaine traversant les trois pays baltes, de Tallinn à Vilnius, en passant par Riga. Cet événement spectaculaire symbolisa l'unité et la détermination des peuples baltes à réclamer leur indépendance. Il attira également l'attention internationale sur leur cause, augmentant la pression sur le régime soviétique.

Parallèlement, les réformes politiques en Lettonie commençaient à prendre forme. En 1989, des élections au Congrès des députés du peuple furent organisées, les premières à permettre la concurrence entre différents candidats depuis l'annexion de la Lettonie par l'Union soviétique en 1940. Ces élections virent une victoire écrasante des candidats pro-indépendance, consolidant le mandat du Front populaire et augmentant ses capacités à négocier avec Moscou.

Ainsi, lorsque les membres du Conseil suprême (le parlement letton) votèrent pour la déclaration d'indépendance le 4 mai 1990, ils ne le firent pas seulement en réponse à un élan spontané de nationalisme, mais comme l'aboutissement d'une série de luttes politiques et sociales profondément enracinées. Cette journée marqua non seulement un changement radical pour la Lettonie, mais aussi un moment décisif dans l'éclatement de l'Union soviétique, alors que d'autres républiques observeraient et suivraient bientôt son exemple.

Le jour décisif : 4 mai 1990

Le 4 mai 1990 demeure une date gravée dans la mémoire collective lettone comme le jour où la nation a repris sa place parmi les pays souverains du monde. Ce moment historique est le résultat de délibérations intenses et d'une planification stratégique par le Conseil suprême de la République socialiste soviétique de Lettonie, qui a culminé dans l'adoption de la Déclaration sur la Restauration de l'Indépendance de la Lettonie.

La journée commença sous une tension palpable, tant les enjeux étaient élevés. Des centaines de personnes s'étaient rassemblées à l'extérieur du bâtiment du Conseil suprême à Riga, brandissant des drapeaux lettons pré-soviétiques, en signe de soutien à l'indépendance. À l'intérieur, les députés se préparaient à voter sur une question qui non seulement façonnerait l'avenir de leur pays mais testerait également la tolérance de Moscou face aux velléités d'indépendance de ses républiques.

La session fut ouverte par Anatolijs Gorbunovs, alors président du Conseil suprême, qui joua un rôle crucial tout au long du processus. Le débat fut intense et chargé d'émotion, reflétant la gravité du moment. Les partisans de l'indépendance, menés par le Front populaire de Lettonie, argumentèrent que la restauration de l'indépendance lettone était non seulement légalement justifiée mais également une nécessité historique et morale, invoquant l'occupation illégale par l'Union soviétique en 1940.

Après plusieurs heures de débats houleux, le vote fut enfin pris. La décision fut presque unanime : 138 voix pour, zéro contre, et seulement un bulletin nul. La salle éclata en applaudissements tandis que l'hymne national, interdit pendant des décennies sous le régime soviétique, retentissait, marquant officiellement la renaissance de la Lettonie en tant qu'État indépendant. Ce moment fut chargé d'une émotion intense, beaucoup de députés et de citoyens ayant les larmes aux yeux, témoignant de la fin d'une ère et du début d'une nouvelle.

À l'extérieur du parlement, la foule en liesse célébrait la victoire, des chants et des danses traditionnelles remplissant l'air. Cependant, la joie fut tempérée par la conscience que le chemin vers une véritable souveraineté serait semé d'embûches. La réaction de Moscou fut immédiate et plutôt hostile. Le Kremlin déclara la déclaration lettone illégale et en violation de la constitution soviétique, menaçant de mesures économiques et même de possibles interventions militaires pour préserver l'unité de l'Union Soviétique.

Néanmoins, cet acte de défi marqua un tournant crucial non seulement pour la Lettonie mais aussi pour toute la région balte. La déclaration inspira des mouvements similaires en Estonie et en Lituanie, lesquelles avaient déjà pris des mesures vers la restauration de leur propre indépendance, créant ainsi une dynamique irréversible qui contribuerait à la dislocation de l'Union soviétique.

Ce 4 mai 1990, la Lettonie posait les fondements de son futur en tant que nation libre, défiant les adversités et se plaçant audacieusement sur la carte mondiale comme un pays souverain, renouant avec une démocratie interrompue cinquante ans plus tôt.

Répercussions et défis de l'après-déclaration

La déclaration d'indépendance de la Lettonie le 4 mai 1990 marqua une étape significative vers la liberté, mais ce fut également le début d'une période complexe et difficile, pleine de défis intérieurs et de pressions extérieures. Les mois et les années qui suivirent virent la Lettonie naviguer dans un paysage politique en évolution rapide, confrontée à la résistance de Moscou et aux défis de la construction d'un État moderne.

Immédiatement après la déclaration, le gouvernement soviétique refusa de reconnaître l'indépendance de la Lettonie, considérant l'acte comme une violation de la constitution de l'URSS. Moscou tenta de stabiliser sa présence en Lettonie par des mesures économiques punitives, notamment des restrictions sur les livraisons de matières premières essentielles comme le pétrole et le gaz. Cependant, contrairement aux craintes, une intervention militaire directe ne se concrétisa pas, en grande partie grâce à l'attention internationale croissante et au soutien à la cause balte.

Sur le front intérieur, le gouvernement letton dut s'atteler à la tâche ardue de construire une administration et une économie indépendantes dans un pays qui avait été intégré de force dans l'économie planifiée soviétique pendant des décennies. La transition vers une économie de marché fut marquée par des turbulences, incluant l'inflation, le chômage, et une certaine instabilité sociale. En dépit de ces défis, des réformes significatives furent mises en œuvre, incluant la privatisation des entreprises d'État et la réforme agraire, essentielles pour relancer l'économie lettonne.

Sur le plan politique, la Lettonie s'efforça de rétablir les institutions démocratiques qui avaient été supprimées sous l'occupation soviétique. Cela inclut l'adoption d'une nouvelle constitution, la tenue d'élections libres et la mise en place de structures juridiques indépendantes. La politique lettonne de cette époque fut également marquée par des débats intenses sur la citoyenneté et les droits des minorités russophones résidant en Lettonie, un héritage direct de la politique de russification de l'ère soviétique.

Au niveau international, la Lettonie chercha à se sécuriser un soutien et une reconnaissance globale, ce qui fut progressivement atteint. En août 1991, après le coup d'État manqué à Moscou, l'Union soviétique commença à se désintégrer, ce qui facilita la reconnaissance internationale de l'indépendance lettone. En septembre 1991, la Lettonie fut admise aux Nations Unies, marquant un jalon important dans son retour sur la scène mondiale.

L'Union européenne et d'autres organisations internationales jouèrent également un rôle crucial dans le soutien à la Lettonie pendant cette période de transition. L'assistance économique, les conseils en matière de réforme politique et juridique, ainsi que les investissements directs étrangers furent vitaux pour stabiliser la jeune démocratie.

Ainsi, bien que la déclaration d'indépendance ait été un moment de célébration euphorique, elle fut rapidement suivie par une période de réajustements intenses et de travail acharné. La Lettonie dû faire face à des défis immenses pour se reconstruire en tant que nation libre et souveraine, tout en naviguant dans un contexte international en pleine mutation. Ces efforts posèrent les fondations d'un État qui, malgré les obstacles, continuait à avancer vers un avenir prometteur en tant que membre respecté de la communauté internationale.

Commémoration et héritage contemporain

Plus de trois décennies après sa déclaration d'indépendance, la Lettonie ne se contente pas seulement de célébrer cette journée comme un souvenir historique; elle la reconnaît comme un pilier de son identité nationale et de sa résilience démocratique. Le 4 mai, désormais férié national, est célébré chaque année avec une série d'événements qui illustrent à la fois le respect du passé et une orientation résolue vers l'avenir. 

La commémoration de cette journée commence souvent par des cérémonies officielles à Riga, la capitale, où des discours sont tenus par des figures clés de l'État, telles que le président et le premier ministre. Ces discours tendent à réaffirmer les valeurs de liberté et de démocratie qui ont guidé la Lettonie à travers les turbulences de son histoire récente. Les monuments commémoratifs, notamment le Monument de la Liberté à Riga, deviennent des lieux de rassemblement pour le peuple letton, où fleurs et bougies sont déposées en hommage aux efforts et sacrifices des générations précédentes.

Les écoles et les universités jouent un rôle crucial dans la transmission de cette histoire aux nouvelles générations. Des programmes éducatifs spéciaux et des projets sont mis en place pour enseigner aux jeunes Lettons non seulement les faits de l'indépendance, mais aussi les valeurs sous-jacentes de liberté et de souveraineté qui ont motivé les acteurs de 1990. Cela assure que la mémoire collective reste vivante et que les leçons du passé continuent d'informer l'avenir.

Sur le plan culturel, la Lettonie a vu un renouveau de ses traditions nationales depuis 1990. La musique, la danse, la littérature et les arts lettons, qui avaient été réprimés sous le régime soviétique, fleurissent désormais, soutenus par des initiatives tant publiques que privées. Les célébrations du 4 mai mettent souvent en vedette des performances folkloriques et des expositions d'art qui célèbrent l'identité lettone et sa diversité.

Du point de vue politique et social, la Lettonie d'aujourd'hui est profondément marquée par les acquis de son indépendance. Membre de l'Union européenne et de l'OTAN depuis 2004, la Lettonie participe activement aux affaires européennes et internationales, représentant un modèle de transformation réussie d'un État post-soviétique en une démocratie moderne. Cet engagement envers l'intégration européenne et la coopération internationale est vu comme une continuation des aspirations à la liberté et à l'autodétermination qui ont été si éloquemment exprimées en 1990.

Le 4 mai n'est pas seulement une journée de souvenir, mais aussi une célébration de la continuité et du renouveau. Les événements de 1990 ont façonné un héritage de liberté qui continue d'influencer tous les aspects de la société lettone. Cette date est devenue un symbole de la résilience et de la capacité du peuple letton à façonner son propre destin, malgré les défis extérieurs et intérieurs. Elle rappelle que l'indépendance, bien plus qu'une simple autonomie politique, est la base de la fierté nationale, du progrès et de la solidarité en Lettonie.


 

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